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Le "Chant d'hiver" irrévérencieux d'Otar Iosseliani

Avec son "Chant d'hiver", Otar Iosseliani nous livre une comédie dont il a le secret. Un film poétique complètement décousu et irrévérencieux qui lasse parfois par son absence de logique narrative.
Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Rufus dans "Chant d'hiver"
 (Niko Tarielashvili )

Difficile de vous conter ce "Chant d'hiver". Ce qui est sûr, c'est que le réalisateur géorgien de 81 ans a encore frappé. Toute la poésie de son œuvre se retrouve dans ce long métrage. Celle du très beau "Chantrapas". Celle aussi du très inspiré "Jardin en automne". Son obstination pour une liberté cinématographique au-delà de toute représentation du réel. 

L'intrigue, comme prétexte à ses facéties

L'histoire du film, eh bien pour tout dire, il n'y en n'a pas. L'intrigue sert plutôt de prétexte narratif à ses facéties.
 
On entre dans cette histoire par le couperet de la guillotine, pendant la Terreur, venant trancher la tête d'un vicomte qui conservera, par-delà la mort, sa pipe au bec (Rufus). En deux temps trois mouvements, alors que nous pensions nous trouver dans un film d'époque et y rester, nous voilà plongés au beau milieu de la guerre de Géorgie avec des militaires pilleurs et violeurs. Et un aumônier militaire baptisant à la volée ces mêmes soldats, également campé par Rufus.
Mathias Jung et la tête de Rufus dans "Chant d'hiver"
 (Niko Tarielashvili )

Une sympathique cour des miracles

Ce même Rufus que nous retrouvons ensuite dans le Ve arrondissement de Paris, tantôt en clochard réduit à l'état de planche par un rouleau compresseur, tantôt en concierge lettré et trafiquant d'armes d'un immeuble cossu parisien. Et tout ça au milieu d'une foule pour le moins composite. Des putes de luxe, un préfet qui campait au début du film le rôle du bourreau, des voleuses à la tire en patins à roulettes ou des clochards majestueux se côtoient dans cette sorte de cour des miracles. 
  (Niko Tarielashvili )

Nos attentes avares tournées en dérision

Et nous voilà totalement perdus, en fébriles témoins de ces bribes de vie, de ces saynètes quotidiennes. Sans jamais savoir la fin. Sans rien imaginer du début. Ce sont des moments de vie que Iosseliani traduit dans son cinéma. Le cours de l'existence qu'il saisit. Et nos attentes avares, celles-là même que nous sommes tellement habitués à voir comblées, sont ici tournées en totale dérision. "Vous attendez quelque chose ? Eh bien, il ne se passera rien", semble nous lancer à la face l'irrévérentieux Iosseliani. 
 
Mais il faut bien le reconnaître, cette absence de logique narrative lasse. Même, ce passage "du coq-à-l'âne", comme le dit le réalisateur lui-même, ennuie profondément. "Ça peut paraître loufoque mais croyez-moi, ça ne l'est pas tant que ça", insistait-il. En tout cas, pour nous, ça l'est beaucoup trop.

Comédie dramatique d'Otar Iosseliani - Avec Rufus, Amiran Amiranashivili, Mathias Jung et Mathieu Amalric - Durée : 1h57. Sortie le 25 novembre 2015.

Synopsis : Certaines ressemblances sont troublantes. Celle de ce vicomte guillotiné pendant la terreur; d'un aumônier militaire durant la guerre avec un clochard parisien aussi concierge lettré d'un gros immeuble. Presque tous les personnages du film se croisent dans cet immeuble, sauf bien sûr les sans-abri que les flics transbahutent d'un lieu à l'autre sans ménagement. Et pourtant, au milieu de tout ce chaos, il y a des espèces de rêves, des histoires d'amour, de solides amitiés qui peut-être nous permettent d'espérer que demain sera mieux qu'aujourd'hui.

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