"Le Ciel attendra", chroniques de l'enrôlement djihadiste ordinaire
Aller-retour
"Ma première fois", s’inspirait de son histoire d’amour avec son conjoint décédé ; "Bowling" évoquait la manifestation durant 17 semaines des habitants de Carhaix pour préserver leur maternité ; "Les Héritiers" transcrit l’histoire vraie d’une prof de Français qui présente la classe la plus faible de son lycée au concours national d’Histoire, et le remporte. Dans "Le Ciel attendra" Marie-Castille Mention-Schaar échafaude une synthèse documentée sur la fascination de jeunes filles pour le Djihad, découvert sur Internet, vécue comme un acte de rébellion contre la société dans laquelle elles sont nées et ont évolué.Si le message est puissant et laisse pantois à l’issue de la projection, c’est que "Le Ciel attendra" est construit de telle manière qu’il balaye, chez deux adolescentes, en parallèle, le processus d’enrôlement et de départage. La construction du film participe de son impact en faisant se croiser deux histoires qui ne se rencontrent jamais, ou presque. L’une visualise la contamination du discours islamiste fondamentaliste, l’autre sa décontamination. Les deux processus sont ancrés chez deux jeunes filles de 16 et 17 ans, qui ne se connaissent pas, ne se rencontreront jamais, mais mises en contact avec une cellule de recrutement qui va les sensibiliser, les convaincre, pour finalement les fanatiser à sa cause. Mélanie (Naomi Amarger) va entrer dans l’engrenage, Sonia (Noémie Merlant) va en sortir.
Vérités et mensonges
Leur bouée de sauvetage ? Deux mères, Sandrine Bonnaire et Clotilde Coureau, bouleversées, ravagées par ce qui leur arrive, aidées par une association musulmane de décryptage des manipulations prosélytes djihadistes. Œuvre de fiction, "Le Ciel attendra" donne les clés pour se défendre du processus mis en place par des acteurs de l’ombre qui pratiquent un véritable lavage de cerveau à distance, via les réseaux sociaux, en flattant la fibre rebelle de la jeunesse. A ce titre, le film devrait trouver un circuit de distribution au sein de l’Education nationale, comme cela fut le cas en 2008 avec "Entre les murs" de Laurent Cantet.
Le décryptage qu’effectue Marie-Castille Mention-Schaar, fondé sur son propre scénario assistée d’Emilie Frèche ("24 jours", "Ils sont partout"), s’effectue sur le mode d’une dramaturgie puissante. Elle est servie par deux actrices impliquées, Sandrine Bonnaire et Clotilde Coureau, avec deux jeunes comédiennes qui ne le sont pas moins. Les figures paternelles, Zinedine Soualem et Yavan Attal, sont soit trop autoritaire pour toucher leur fille, soit absente, dilettante. Il faut souligner le discours porté par les deux intervenants de l’association musulmane de protectionnisme à l’enrôlement djihadiste, dont la portée, comme le film, est un véritable acte de salubrité publique.
LA FICHE
Drame de Marie-Castille Mention-Schaar (France) - Avec : Sandrine Bonnaire, Noémie Merlant, Clotilde Courau, Naomi Amarger, Zinedine Soualem, Yvan Attal - Durée : 1h44 - Sortie : 5 octobre 2016
Synopsis : Sonia, 17 ans, a failli commettre l'irréparable pour "garantir" à sa famille une place au paradis. Mélanie, 16 ans, vit avec sa mère, aime l'école et ses copines, joue du violoncelle et veut changer le monde. Elle tombe amoureuse d'un "prince" sur internet. Elles pourraient s'appeler Anaïs, Manon, Leila ou Clara, et comme elles, croiser un jour la route de l'embrigadement… Pourraient-elles en revenir ?
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.