"Le Convoi de la peur" : le film maudit de William Friedkin prend sa revanche
C'est au sommet de sa gloire que l'Américain William Friedkin se lance dans "Le Convoi de la peur", alors qu'il sort des succès de "French Connection" -couronné par cinq Oscars en 1972- et de "L'Exorciste", l'un des films d'horreur les plus rentables de l'histoire, récompensé par deux Oscars et quatre Golden Globes en 1974.
Remake du "Salaire de la peur" d'Henri-Georges Clouzot (1953), adapté d'un roman de Georges Arnaud, "Le Convoi de la peur" raconte l'histoire de quatre hommes -dont un escroc new-yorkais, un banquier parisien et un terroriste palestinien- amenés à transporter des camions remplis de dynamite au fin fond de l'Amérique du Sud.
McQueen, Mastroianni, Ventura,Schreider : le casting impossible
Si la production redoute un tournage périlleux et coûteux, le réalisateur compte sur la présence de plusieurs vedettes, dont Steve McQueen. Mais l'acteur -alors l'une des plus grandes stars de cinéma-, souhaite que sa nouvelle épouse, la comédienne Ali MacGraw, joue dans le film. Le réalisateur refuse. McQueen demande alors que le film soit tourné aux Etats-Unis. Nouveau refus. Il se retire alors du projet.Egalement pressenti, Marcello Mastroiani, se désiste pour ne pas s'éloigner de sa fille Chiara. Lino Ventura, qui ne parle pas anglais, se retire aussi. C'est finalement l'acteur américain Roy Schreider, révélé dans "French Connection", qui remplace Steve McQueen, entouré de Bruno Cremer, Francisco Rabal et Amidou (acteur de Claude Lelouch), peu connus aux Etats-Unis.
Des vies en danger
Les conditions du tournage vont ensuite être terribles. La scène la plus impressionnante du film, où les deux camions traversent un pont bringuebalant au-dessus d'une rivière pendant la tempête, est particulièrement compliquée.Premier contretemps, la rivière choisie en République dominicaine, où a lieu le tournage, s'assèche pendant la construction du pont. "C'était une catastrophe incroyable", se souvient William Friedkin. L'équipe est alors obligée de démonter le pont pour le reconstruire au Mexique, ce qui prend des mois.
Puis la scène se révèle "très dangereuse à filmer", raconte William Friedkin. "Très souvent, les camions tombaient du pont et il fallait les remonter", poursuit-il. "Toutes les vies étaient en danger". Autre point noir, les problèmes de santé se succèdent : près de 50 membres de l'équipe doivent être remplacés et "presque tous ceux qui travaillaient sur le film sont tombés malades pendant le tournage ou après", se rappelle le réalisateur.
Des cas de gangrène sont recensés, tandis que Friedkin est atteint de paludisme à son retour. "J'ai perdu peut-être près de 30 kilos. Je ne me suis plus senti moi-même
pendant des années", confie-t-il.
Le film préféré de Friedkin
Pourtant le cinéaste n'abandonne pas. "A plusieurs reprises, je me suis dit que je devrais arrêter, mais j'ai continué. J'étais obsédé par ce film", résume-t-il. Dernier coup du destin, son oeuvre, qui arrive sur les écrans en même temps que le premier opus de la saga "Star Wars", au printemps 1977, connaît un échec retentissant.Pourtant, son film maudit, qui ressort en version restaurée, est le préféré William Friedkin, celui "pour lequel il aimerait que l'on se souvienne de lui". "C'est celui de mes films qui se rapproche le plus de la vision que j'en avais" avant le tournage, dit-t-il. "Un film qui, malgré un tel échec, connaît une vie aussi longue, ce n'est pas un film maudit mais un film béni!", lance-t-il.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.