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"Le Cousin Jules" : une vision moderne de la ruralité

Alors qu’une jeunesse retourne vers la terre, Dominique Benicheti scénarise et réalise "Le Cousin Jules", un documentaire sur un cousin éloigné, octogénaire, en Bourgogne. Le tournage durera cinq ans, de 1968 à 1973. Tourné en scope et en stéréo, une prouesse pour l’époque, le format ne correspond pas du tout au documentaire lambda. Un chef-d’œuvre.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
"Le Cousin Jules" de Dominique Benicheti
 (Carlotta Films)
La note Culturebox
5 / 5                  ★★★★★

Documentaire de Dominique Benicheti (France), avec : Jules Guitteaux, Félicie Guitteaux - 1h31 - Reprise : 15 avril 2015

Synopsis : Dans la campagne bourguignonne, vit un couple d’octogénaires. Jules est forgeron et passe ses journées à créer des objets en fer. Sa femme, Félicie, s’occupe du potager, prépare leurs repas et partage avec lui le café du matin dans la forge. La simplicité de leur routine quotidienne nous immisce dans l’intimité d’une relation de toute une vie…


Alchimie lumineuse

Perfectionniste, chercheur en cinématographie dans les formats ultimes (70 mm, Cyclorama, 3D…), Dominique Benicheti fait preuve d’une exigence exceptionnelle pour la réalisation du "Cousin Jules". Il fait appel à deux directeurs de la photographie, Paul Lauray, son professeur à l’HIDHEC (future Fémis) et Pierre-William Glenn, depuis, un des plus grands de la discipline. Chaque plan est cadré tel un tableau, sans ostentation, renvoyant à Corot, Millet, Van-Gogh, ou les scènes de genre des Flamands du XVIIe siècle. Sublime.

La lumière illumine le film. Sur un sujet plutôt roide, Dominique Benicheti distille une alchimie unique, jamais vue ailleurs. Tourné sur cinq ans, l’on a l’impression qu’il se déroule sur une journée, même si les saisons changent. Un matin, Jules se réveille seul. Félicie, son épouse, est partie. L’on ne sait pourquoi. Seul le plan fugace d’un fossoyeur nous laisse deviner son destin. Magnifique ellipse. Film taiseux, "Le Cousin Jules" l'est comme ses protagonistes. C’est plus un film sonore que parlant. Pas de dialogue, ou à peine distinctincts : "Y fait chaud", "Il est bon l’café", "Ben Pourquoi ?"…

Jules Guitteaux et Félicie Guitteaux dans "Le Cousin Jules" de Dominique Benicheti
 (Carlotta Films)
Poésie du quotidien

L’ascèse du film se retrouve, paradoxalement, dans le travail sophistiquée sur l’image, contemplative, qui rappelle celle des Japonais sur la nature. Les travellings d’une fluidité déconcertante, surtout pour un documentaire, sont d’une beauté confondante, tout comme le montage précis et rythmé. Le son est d’une extrême exigence. Les sabots sur le carrelage, les coups de marteau sur le fer et l’enclume, les vrombissements et crépitements du feu, les roues de charrettes sur les chemins… Les gestes professionnels de la forge, la découpe des légumes pour la préparation d’une soupe, des branchages ramassés par des paysans… Ces gestes du quotidien relèvent de la pure poésie.

Pas question de nostalgie d’un passé révolu. L’on croirait le film tourné hier. Non, il s’agit de la rencontre entre une cinématographie et son sujet. Même s’il n’est pas conteur, l’on pense à "Emile Jacotey", " Le plus grand maréchal Ferrand", selon le groupe Ange dans "L’Ode à Emile", sorti dans les bacs à la même époque. "Le Cousin Jules" ne doit pas rebuter par son sujet, tant il est habité d’une sublime beauté. A découvrir absolument.

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