"Le dernier pub avant la fin du monde" : un dernier verre, et on grandit !
Synopsis : Il y a une vingtaine d’années, cinq jeunes Britanniques célébraient la fin du lycée par une mémorable tournée des pubs dans leur ville de Newton Haven. Leur programme : enchaîner douze bars en une soirée. Malgré beaucoup de bonne volonté, aucun ne parviendra au World’s End, l’ultime pub de leur périple. Aujourd’hui quadragénaires et pour l’essentiel rangés des voitures, la bande se réunit sous l’impulsion de Gary King (Simon Pegg) afin de finir leur mission. Mais bien des choses ont changé à Newton Haven, et le barathon envisagé prend rapidement une tournure inattendue. Et si la fin du monde n’était pas que le nom de l’ultime bar, mais bien ce qui risque d’arriver ?
On (ne) s’était (pas) donné rendez-vous dans vingt ans
Après la “comédie romantique avec des zombies” (“Shaun of the Dead” en 2005), et après le pastiche-hommage aux “buddy movies”, ces films d’action autour d’un duo de policiers (“Hot Fuzz” en 2007), Edgar Wright, Simon Pegg et Nick Frost achèvent leur trilogie “Blood and ice cream” (du sang et des glaces, aussi connue en tant que “trilogie Cornetto”) en rendant hommage aux films de science-fiction qui ont fait leur culture. Comme les deux premiers opus, et comme la mini-série “Spaced” qui a vu le trio collaborer ensemble pour la première fois, on trouve dans “Le dernier pub avant la fin du monde” l’humour acerbe caractéristique d’Outre-Manche.
Nul besoin d’avoir vu les deux premiers volumes pour voir celui-là. Les films ne se suivent pas, et hormis la distribution, n’ont pas grand chose à voir. Dans “Le dernier pub…”, on suit les retrouvailles d’une bande de potes ayant fait les 400 coups ensemble dans leur jeunesse, en 1990. Aujourd’hui, quatre d’entre-eux ont grandi, vieilli même, et se sont rangés ; mais le “cinquième mousquetaire”, lui, n’a pas changé d’un iota. A l’origine de la réunion de la bande, Gary King (interprété par un Simon Pegg au sommet de sa forme) est resté bloqué à cette soirée de barathon qui devait entamer sa vie d’adulte voulant “s’éclater”.
Et comment s’éclatait-on en Angleterre en 1990 ? En allant pinter au pub dès l’après-midi, chasser les filles et prendre part à l’inévitable bagarre de comptoir. On ne sait trop comment, mais Gary - loser alcoolique - parvient à convaincre ses ex-compères (largement perdus de vue, voire pour certains ne pouvant plus l’encadrer) de revenir sur les lieux de leur jeunesse pour finir le Golden Mile, l’enchaînement des douze pubs de Newton Haven (en buvant dans chacun d’entre-eux).
Une Odyssée moderne
La situation est cocasse - des quadras citadins, dont l’un ne boit plus, partis faire la tournée des bars dans le fin fond de la cambrousse anglaise -, et au cours de la première partie du film, on rit de bon coeur. Le club des cinq étant interprété par une brochette d’acteurs talentueux - dont le “hobbit” Martin Freeman - et coutumiers des films d’Edgar Wright, il n’y a pas de tâches au casting.
Après quelques pintes, le film jusque là franche comédie change de style : il passe à l’action. La faute à des visiteurs d’un autre type ayant choisi Newton Haven comme point d'atterrissage. Disons, sans trop en dévoiler, qu’on est plus proche de “Paul” (autre film où le duo Pegg/Frost fait des siennes, mais sans la patte Wright ni l’humour british) que des zombies de “Shaun of the Dead”.
De la baston de comptoir, il y en a indubitablement. Et plutôt bien menée, car comme pour “Scott Pilgrim” (2010), Edgar Wright a fait appel au chorégraphe des films de Jackie Chan. Mention spéciale à Nick Frost, qui manie les tabourets comme s’il n’avait rien fait d’autre de sa vie.
Comme Ulysse il fut un temps, nos (anti)héros font de nombreuses rencontres. Certains restent au bord du chemin, d’autres manquent de succomber aux sirènes…Même si on peut lui reprocher quelques longueurs, leur épopée arrosée est héroïque. D’ailleurs King (roi), Knight(ley) (chevalier), Prince, Page ou Chamberlain (chambellan), nos héros ont tous pour patronyme un terme rappelant le Moyen-Âge ou la Table Ronde. Et incarnent à leur façon ces rôles dans l’histoire (ce que la fin du film souligne). Malgré son titre, la fin de ce chemin de croix ethylique n'est pas l'important dans le film : parviendront-ils à boucler leur barathon ? On vous en laisse la surprise.
Comme un air de déjà-vu
S’inscrivant dans la trilogie Cornetto (dans chacun de ces films, à un moment, un des héros va s’intéresser à ces cônes glacés), on retrouve dans “Le dernier pub avant la fin du monde” des running gag qui feront rires les connaisseurs. Le souci récurrent à franchir les palissades, par exemple.
On retrouve aussi chez nos pieds nicklés anglais la perpétuelle question du vieillissement, de l’abandon des idées de jeunesse. Homme-enfant ou adulescent, appelez-les comme vous voulez, mais il y a toujours dans cette trilogie un personnage décalé dans sa façon d’aborder la réalité. Ici, droit dans ses bottes de Peter Pan alcoolique, Simon Pegg interprète probablement ici le meilleur rôle de sa carrière (jusque-là), et on sent qu’il a ciselé l’écriture de son personnage.
Parfois, ce film rappelle “H2G2, le guide du voyageur intergalactique” (où joue d’ailleurs Martin Freeman) pour son humour subtil so british. Sauf que là, les extraterrestres ne veulent pas détruire la Terre pour construire une autoroute intergalactique. Si ce troisième film n’atteint sans doute pas les sommets de loufoquerie de “Shaun of the Dead”, il a été encensé par les stars l’ayant déjà vu (de Judd Appatrow à Robert Downey Jr.).
Et l’on peut se réjouir néanmoins que sa sortie dans les salles françaises ait été récemment avancée. Le trio à l’origine de la trilogie ayant été érigé au rang de mythe dans la communauté geek, les deux précédents opus ont pâti de leur sortie tardive dans l’Hexagone (ils circulaient alors depuis belle lurette dans la sphère du téléchargement illégal).
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