"Le fil" : film sombre de Daniel Auteuil sur l'histoire sidérante d'un père de famille accusé du meurtre de sa femme

Avec ce nouveau long-métrage comme réalisateur, Daniel Auteuil plonge le spectateur dans une affaire judiciaire qui questionne sur la recherche de la vérité, l'intime conviction, et le difficile travail d'avocat.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5 min
Daniel Auteuil et Grégory Gadebois dans "Le fil", de Daniel Auteuil, sortie le 11 septembre 2024. (ZINC FILMS)

Pour son sixième film comme réalisateur, Daniel Auteuil s'est inspiré d'une histoire vraie, celle d'un avocat convaincu dur comme fer de l'innocence de son client, un brave père de famille accusé du meurtre de sa femme. Particulièrement remarqué lors de sa présentation en sélection officielle au festival de Cannes en séance spéciale, Le fil sort dans les salles le 11 septembre.

Nicolas Milik (Grégory Gadebois) prépare le dîner de ses cinq enfants quand les gendarmes viennent l'arrêter. Le cadavre de sa femme a été retrouvé, la gorge tranchée. Maître Monier (Daniel Auteuil) vient l'assister pendant sa garde à vue, à la place de sa femme, fatiguée, qui lui a demandé de lui rendre ce petit service. Elle reprendra l'affaire dès le lendemain, lui promet-elle.

Mais Maître Monier décide de plaider cette affaire aux assises. La première depuis un procès dans lequel il avait fait innocenter un assassin récidiviste. L'avocat, convaincu de l'innocence de son client, se lance corps et âme et jusqu'à l'obsession, dans la préparation de la défense de Nicolas Milik.

L'intime conviction

Après avoir réalisé quatre adaptations des romans de Pagnol et une pièce de Florent Zeller, Amoureux de ma femme en 2018, Daniel Auteuil avait annoncé qu'il ne souhaitait plus passer derrière la caméra. Et pourtant, il s'attaque avec cette nouvelle réalisation à un scénario original inspiré par une histoire vraie, racontée parmi d'autres affaires par l’avocat pénaliste du barreau de Lille Jean-Yves Moyart, connu sous le nom de Maître Mô pour ses chroniques publiées dans un blog. Chroniques reprises dans un ouvrage Au guet-apens : chroniques de la justice pénale ordinaire (La Table ronde, 2011), réédité en 2021 aux éditions Les Arènes.

Avec ce nouveau film, Daniel Auteuil explore de très près, du point de vue de l'avocat, la recherche de la vérité intime d'un homme, dans le cadre d'un procès en assises. Qui est Nicolas Milik, que s'est-il vraiment passé cette nuit-là ? Le spectateur assiste aux débats, à la reconstitution présumée des faits, aux échanges entre l'accusé et l'avocat, et se forge au fil du récit une intime conviction, à l'instar du jury qui devra trancher dans une affaire où il n'y a ni aveu, ni preuve. 

Daniel Auteuil a choisi de transposer cette histoire du Nord dans le Sud, celui de la Camargue et des arènes et de faire jouer en arrière-plan taureaux et toreros, comme une allégorie de l'avocat et de l'accusé projetés dans une Cour de Justice comme dans des arènes. Les images de la région, des plans larges, des images en mouvement, constituent des temps de suspension, des bouffées d'air dans cette histoire par ailleurs filmée en grande partie dans la salle d'audience, la cellule, le parloir, des lieux clos dans lesquels la caméra est collée aux visages des protagonistes.

"Le frère en humanité de son client"

"Je sais que je vais vivre, une fois encore, avec les particularités supplémentaires de ce dossier, l’heure que tous les pénalistes redoutent le plus, l’heure exécrable, angoissante, affolante, épuisante, qui précède ce qui est pourtant l’essence de mon métier : se lever et plaider pour l’homme que j’assiste", déclare dans un de ses derniers billets l'avocat, mort d'un cancer en 2021.

"Vous êtes le seul à m'avoir respecté", lâche Nicolas Milik à Maître Monier à l'issue de son procès, résumant avec cette phrase tragique la mission de l'avocat. "Je continue à croire qu’il y a du bon dans chaque homme et que l’un des boulots de l’avocat est de le trouver et de l’exposer. L’avocat est le frère en humanité de son client. C’est la meilleure définition, je crois, de mon métier", déclarait Jean-Yves Moyart sur France Inter en 2011

Daniel Auteuil, Grégory Gadebois dans "Le fil", de Daniel Auteuil, sortie le 11 septembre 2024. (ZINC FILMS)

Daniel Auteuil rend hommage au travail de ces avocats qui choisissent de défendre les hommes, quel que soit leur crime, et montre grâce à l'interprétation magistrale du duo Auteuil/Gadebois la relation si particulière,qui peut s'établir entre un avocat et son client.

Film de procès

C'est aussi un hommage à la justice tout entière, et au travail de chacun, que rend ce film. Alice Bélaïdi est très convaincante dans le rôle de l'avocate générale, Sidse Babett Knudsen dans celui d'avocate et épouse, qui rappelle à son mari de garder la tête froide, ou encore Isabelle Candelier dans celui de la présidente de la Cour.

Le film ne laisse pas de côté les victimes, notamment à travers les interventions des enfants, ou encore le rôle de la sœur de la victime, incarnée par Aurore Auteuil, la fille du réalisateur. Le film pointe aussi les limites de la justice, qui peut parfois faillir, parce que rendue par des hommes, armés quand il n'y a pas de preuve que de leur intime conviction.

Bref, Daniel Auteuil fait le tour de la question, et s'attaque avec réussite au film de procès, porté au pinacle par Anatomie d'une chute de Justine Triet et Saint-Omer d'Alice Diop . Traité ici comme un instrument de sondage de l'âme humaine, Le fil, par son issue sidérante — une fin brève, claire, tranchante, qui contraste avec le temps long de l'instruction et de la recherche de la vérité — nous laisse abasourdis. 

"Le fil", de Daniel Auteuil, sortie le 11 septembre 2024. (ZINC FILMS)

La Fiche

Genre :  drame
Réalisateur : Daniel Auteuil
Acteurs : Daniel Auteuil, Grégory Gadebois, Sidse Babett Knudsen, Alice Belaïdi, Suliane Brahim, Gaëtan Roussel
Pays : France
Durée : 
1h55 min
Sortie : 
11 septembre 2024
Distributeur : 
Zinc films
Synopsis : Depuis qu’il a fait innocenter un meurtrier récidiviste, Maître Jean Monier ne prend plus de dossiers criminels. La rencontre avec Nicolas Milik, père de famille accusé du meurtre de sa femme, le touche et fait vaciller ses certitudes. Convaincu de l’innocence de son client, il est prêt à tout pour lui faire gagner son procès aux assises, retrouvant ainsi le sens de sa vocation.

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