"Le Grand partage" d’Alexandra Leclère, grand froid sur la comédie française
Et pourtant, le pitch était plutôt séduisant. Imaginez ! Un hiver infernal. Des sans-abris qu’on ne peut plus, avec ce froid de gueux, laisser dormir dehors, sous des tentes ou devant les portes cochères. Des manifestations pour contraindre le gouvernement socialiste à agir. Un décret ordonné qui impose aux nantis d’accueillir dans leurs grands appartements leurs concitoyens défavorisés.
Mais à l’heure du grand partage, cette décision va plonger les habitants d’un immeuble cossu parisien dans une situation de panique, où chacun affrontera la chose avec plus ou moins d’humanité. Des grands élans aux petites lâchetés et la couardise, il n’y a apparemment qu’un pas.
Une distribution dense mais peu audacieuse
De la bourgeoise frustrée et coincée qui se porte volontaire pour l’hébergement (Karin Viard). À son mari, réac et friqué abasourdi de la nouvelle qu’il apprend dans son Figaro mais qui va néanmoins renier ses préjugés en recueillant une sans-abris un peu loufoque (Sandra Zidani).En passant par la bobo écolo effrayée à l’idée de partager son loft (Valérie Bonneton), au contraire de son époux (Michel Vuillermoz), écrivain humaniste enchanté par cette perspective. Et les Abramovitch (Anémone et Jackie Berroyer), un couple de juifs pingres, comme se plaît à le rappeler le personnage de Didier Bourdon, qui préfèrent quitter leur bel appartement pour un 10m2 afin de n’avoir à accueillir personne. Une distribution dense, massive mais bien peu audacieuse qui se vautre dans les comiques de situation répétitifs et les dialogues un peu lourdauds.
Dans son tableau des clichés, la réalisatrice semble absolument tenir à cocher toutes les cases, pour certainement mieux les dénoncer. Il y a la bonne, antillaise et sans gêne (Firmine Richard) ou la concierge raciste qui aime plus que tout au monde son chat empaillé et borgne qu’elle a joliment baptisé Jean-Marie (Josiane Balasko). Des personnages beaucoup trop caricaturaux pour que la dénonciation souhaitée fonctionne.
Alexandra Leclère, c’est cette réalisatrice qui aime à croiser les typologies. Elle avait pourtant coutume de le faire avec un peu plus de finesse. C’était le cas par exemple dans "Les sœurs fâchées", où elle faisait cohabiter deux frangines, Louise (Catherine Frot) esthéticienne au Mans et Martine (Isabelle Huppert), bourgeoise parisienne à qui tout semblait réussir.
Humour régressif
Ici, le résultat est loin d'être à la hauteur. La faute à un humour régressif qui fonctionne rarement. Surtout quand l’heure vient pour les migrants de débarquer dans cette farce.Car si le bourgeois parisien n’est jamais monolithique, on ne peut pas en dire autant des immigrés. Tous envahissants, braillards et illettrés, ils ne semblent pouvoir s’exprimer que par des cris étranges. Le spectacle est même parfois dérangeant quand la réalisatrice-scénariste décide de provoquer les rires sur leur patois tourné en ridicule.
À trop vouloir dénoncer les clichés, Alexandra Leclère s’y noie, bien malgré elle. Preuve de plus que l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions.
Comédie d'Alexandra Leclère - Avec Didier Bourdon, Karin Viard, Valérie Bonneton et Michel Vuillermoz. Durée : 1H42. Sortie le 23 décembre 2015.
Synopsis : Un hiver rude. Le gouvernement publie un décret obligeant les citoyens français les mieux logés à accueillir chez eux pendant la vague de froid leurs concitoyens en situation précaire. Un vent de panique s’installe à tous les étages dans un immeuble très chic de la capitale.
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