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"Le Loup de Wall Street" : Scorsese et DiCaprio frénétiques

Le monde de la finance inspire les cinéastes, en particulier depuis les années 80. Ce contexte n’est pas un hasard puisque c’est à ce moment précis que le boursicotage a explosé. Avec "Le Loup de Wall Street", Scorsese et DiCaprio adaptent le roman éponyme du magnat des années 80-90, Jordan Belfort, l’homme de tous les excès.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Leonardo DiCaprio dans "Le Loup de Wall Street" de Martin Scorsese
 (Universal Pictures Germany)

De Martin Scorsese (Etats-Unis), avec : Leonardo DiCaprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Matthew McConaughey, Rob Reiner, Jon Favreau - 2h59 - 25 décembre

Synopsis : L’argent. Le pouvoir. Les femmes. La drogue. Les tentations étaient là, à portée de main, et les autorités n’avaient aucune prise. Aux yeux de Jordan et de sa meute, la modestie était devenue complètement inutile. Trop n’était jamais assez…

Gang en col blanc
Martin Scorsese retrouve pour la cinquième fois depuis 2002 Leonardo DiCaprio dans un premier rôle. Mais pas seulement. Il renoue également avec une tonalité qui avait fait la réussite et le succès des « Affranchis » et de « Casino ». A savoir des biographies de gangsters de haut vol plus ou moins fictionnelles, traitées avec un humour corrosif, mais aussi une certaine admiration, dont le réalisateur ne s’est jamais caché. Dans « Le Loup de Wall Street », les gangsters sont les traders de Wall Street. Dans les deux cas, Scorsese ne nous les fait pas détester, alors qu’ils sont des criminels avérés. Il les rend attachants, même si ce sont les pires crapules.

Des gangsters en col blanc en quelque sorte. Mais pas moins avides. Les armes ont changé, les leurs ne sont pas des flingues, mais des téléphones. Comme dans la pègre, rien ne se fait seul, et dans les deux cas les équipes sont soudées. L’amitié, la fidélité entre Belford et ses acolytes se construisent autour de la réussite de leur entreprise, comme dans « Les Affranchis », ou « Casino ». Mais dès qu’un grain de sable s’incruste dans la mécanique bien huilée, c’est sauve qui peut, même si c’est à regret.

Margot Robbie dans "Le Loup de Wall Street" de Martin Scorsese
 (Metropolitan FilmExport )

Carnaval grotesque
« Le Loup de Wall  Street », c’est aussi, et peut-être surtout, la dénonciation des changements comportementaux qu’entraîne la réussite à une telle échelle. A ses débuts, Jordan Belfort rase les murs. Mais dans le monde de la finance, comme dans le gangstérisme, on peut tomber sur un mentor qui va vous propulser au sommet. Ici, les retrouvailles de Belfort avec Mark Hanna vont être l’élément déclencheur. A ce titre, Matthew McConaughey fait un numéro d’acteur des plus remarquables, et l’on regrette de ne pas le voir plus à l’écran. Jordan Belfort devient alors une machine de guerre de la finance. Il rassemble une équipe comme l’on créé un gang pour devenir non pas le roi du pétrole, mais de Wall Street, donc du monde.

Tout devient alors permis et l’autosatisfaction, jusqu’au mépris de l’autre, prend le dessus. Dans ce monde d’hommes, les femmes se réduisent à des objets de plaisir ; elles ne sont plus des personnes mais des « bombasses ». Belfort divorce pour l’une d’elles, et leurs rapports ne sont pas très différents de ceux qu’entretenaient Robert de Niro et Sharon Stone dans « Casino ». Les signes extérieurs de richesse - propriété luxueuse, yacht, voitures haut de gamme, hélicoptère… - deviennent les prolongements du corps de leur propriétaire. La drogue enfin se transforme en une véritable nourriture pour tenir un rythme effréné de vie, et l’on se drogue au-delà des limites dans « Le Loup de Wall Street ». Ce qui nous vaut des scènes orgiaques et d’excès comme rarement vues à l’écran, qui resteront dans les annales.

Martin Scorsese conduit ce carnaval grotesque avec la maestria de mise en scène qu’on lui connaît, en s’adonnant lui-même à tous les excès. Son film est mené à un rythme d’enfer, la fluidité de sa caméra, ses plans séquences et travellings qu’il affectionne, collent au tourbillon dans lequel sont absorbés ses personnages. Ses acteurs sont au meilleur d’eux-mêmes, comme Jean Dujardin dans le rôle d’un banquier suisse en difficulté avec la langue de Shakespeare. DiCaprio créé une fois de plus une superbe composition et ceux qui l’entourent participent pour beaucoup de la réussite du film. Grandeur et décadence d’un magnat de la finance racontées de son point de vue (DiCaprio est en voix off et il s’adresse souvent directement à la caméra), « Le Loup de Wall Street » roule à l’adrénaline et développe une frénésie en phase avec ce portrait d’un grand prédateur. 

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