"Le Prochain film" : le nouveau petit théâtre de René Féret
De René Féret (France), avec : Frédéric Pierrot, Sabrina Seyvecou, Antoine Chappey, Maryline Canto - 1h20 - Sortie : 21 août 2013
Synopsis : À cinquante ans, Louis Gravet aimerait devenir un acteur comique. Son frère Pierre, réalisateur, a l'idée de l'engager dans le rôle principal d’une comédie. Les circonstances familiales, leurs femmes, leurs enfants, une nièce, les en empêcheront jusqu'à choisir de tourner un autre film, neuf et inattendu.
Improvisation
Peu de films abordent comme sujet l’élaboration d’un film par un metteur en scène. « La Nuit américaine », de François Truffaut, comme d’autres, mettent en scène un tournage, un plateau de cinéma étant éminemment photogénique, sinon cinématographique. "Le Prochain film", lui, montre le travail en amont, mais se détourne constamment de cette élaboration à l’œuvre, pour mieux aborder des rapports humains, en l’occurrence au sein d’une famille, où s’interpénètre profession et vie privée.
René Féret n’identifie pas pour autant ce cinéaste (Antoine Chappey), qui tente de monter un film avec son frère (Frédéric Pierrot) comme acteur, avec sa nièce et ses enfants, voire son épouse, à une allégorie sur « la grande famille du cinéma », ou du théâtre, ce qui serait une tarte à la crème réductrice. René Féret s’identifie pourtant à cette démarche, puisqu’il fait lui-même jouer ses enfants dans le film. Dans ce projet, qui n’aboutira pas pour conduire à un autre film, travaille une réflexion sur l’aléatoire, Féret ne sachant pas lui-même où il va en tournant « Le Prochain film ». Car il repose entièrement sur l’improvisation, les aléas, imprévisibles et impondérables étant au cœur de la mise en scène.
Quand on aime la vie…
Cette improvisation constante, dans le jeu et l’écriture, apporte non seulement une véracité peu commune à l’écran, mais participe du sens du film, véritable allégorie sur la teneur de la condition humaine, avec une acuité confondante. « Le Prochain film » transmet ce sentiment avec une vivacité rare qui contamine tout le film, tant dans le filmage, souvent caméra portée, le montage – Féret se plait à maintenir en suspend les scènes, en passant du coq à l’âne -, le jeu des comédiens, tous formidables, tout en sachant, comme par instinct, là où il va et où il nous mène. Ce « joyeux bordel » conduit à croire qu’en fait tout cela a été extrêmement préparé et construit au cordeau.
Un paradoxe de plus qui renvoie lui-même au sens de ce « Prochain film » absolument jubilatoire, tant dans le plaisir à le voir, que dans celui visiblement pris à le réaliser, par René Féret, et par les acteurs à l’interpréter. Dans les années 70, pour relancer la fréquentation des salles, une campagne avait pour slogan « Quand on aime la vie, on va au cinéma ». Ce que l’on pourrait traduire ici par « Quand on aime la vie, on fait du cinéma », et pour le spectateur par « Quand on aime la vie, on va voir ‘Le prochain film’ ».
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