"Les Amants passagers" : Almodovar s'envoie en l'air
De Pedro Almodovar (Espagne), avec : Javier Cámara, Carlos Areces, Raúl Arévalo, Lola Dueñas, Cecilia Roth - 1h30 - Sortie : 27 mars
Synopsis : Les passagers dans un avion de grandes lignes reliant l'Espagne au Mexique sont menacés d'un crash imminent, suite à une panne technique. La vulnérabilité face au danger provoque une catharsis générale, aussi bien chez les passagers qu'au sein de l'équipage. Cette catharsis devient le meilleur moyen d’échapper à l’idée de la mort. Sur fond de comédie débridée et morale, tous ces personnages passent le temps en faisant des aveux sensationnels qui les aident à oublier l’angoisse du moment.
Jouant avec les poncifs du film catastrophe, « Les Amants passagers » se réfère à l’étalon or du genre, « Airport » (1970) de George Seaton, où les passagers d’un avion cloué au sol étaient menacés par un voyageur projetant de faire exploser une bombe. Dans le nouveau Almodovar, l’avion tourne en rond suite à une avarie, pour trouver une piste d’atterrissage. Afin de tenir les passagers de la classe affaire au calme, trois stewards tentent de les distraire avec force alcool, drogues et loufoquerie. La compagnie aérienne imaginaire du film se nomme « Péninsula », référence bien entendu à la péninsule ibérique, comme si Almodovar voulait faire de cet avion de grande ligne en péril, une métaphore de son pays en déroute. A l’intérieur de la carlingue : un financier véreux en fuite, un séducteur culpabilisé, une star de la presse people, un mexicain porteur d’un contrat pas très net, une voyante, et un jeune couple en lune de miel à la gueule de bois… un vrai microcosme. Sans oublier les trois stewards gays, de vraies folles revendiquées, et deux pilotes obsédés par leur homosexualité. Il émane de ce casting une folie communicative, où les gags fusent, même si la légèreté n’est guère de mise.
Retour aux sources
Almodovar joue à fond la carte du burlesque, enchaînant les scènes outrées, en donnant le premier plan à la sexualité. Le cinéaste la traite au rythme d'une montée en puissance. où les passagers pour oublier leur désespoir face à une mort annoncée, se lâchent dans des excès d’alcool, de drogues de confidences et de sexe, comme dans une vaste orgie. Almodovar fait passer la pilule grâce à son second degré, en s’attachant particulièrement à ses trois stewards, non moins angoissés, et qui se révèlent des « maîtres de cérémonie » assumant, revendiquant et propageant une attitude présupposée décadente, mais joyeuse et libératrice.
Almodovar s’amuse et provoque comme dans ses premiers films, renouant avec les outrances qui l’avaient révélé du temps de la « Movida » des années 80. Ses acteurs jouent le jeu à fond et nous emportent dans un voyage qui, s’il tourne en rond, va permettre à chacun, au-delà de se révéler, se transgresser. Un pis-aller à une crise, jamais nommée dans le film, mais dont le crash annoncé est l’équivalent. Heureusement le ton de comédie sauve du pire : libérateur, sinon libertaire.
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