"Les Frères Sisters" : l'extraordinaire western signé Jacques Audiard
Ruée vers l’or
Lion d’Argent à la dernière Mostra de Venise, qui récompense la meilleure mise en scène, "Les Frères Sisters" salue encore Jacques Audiard comme un des plus grands réalisateurs actuels, après sa Palme d’Or 2015 à Cannes pour "Dheepan", son Grand prix Cannois en 2009 pour "Un prophète", également César du meilleur film en 2010. Film de commande initié par l’acteur John C. Reilly (qui joue dans le film) et son épouse productrice Alison Dickey, "Les Frères Sisters" adapte le roman éponyme (Ed. Actes Sud) de Patrick DeWitt, un western iconoclaste et ironique, que Jacques Audiard s’approprie.Dans les années 1850, entre l’Oregon et la Californie, en pleine Ruée vers l’or, les frères Sisters, Charlie (Joaquin Phoenix) et Elie (John C. Reilly), tueurs à gages, sont employés par un sénateur véreux "le Commodore" (Rutger Hauer) pour soutirer le secret d’un chimiste (Jake Gyllenhaal) ayant découvert le moyen de déceler l’or dans une rivière. Leur quête va faire remonter à la surface leur drame familial commun et remettre en question leur raison de vivre, tout comme leurs idéaux sur l’avenir d’un pays naissant.
Reportage : Pascale Deschamps
Western crépusculaire
Dans ses déclarations, Jacques Audiard semble frileux à avouer qu’il a réalisé un western. "Les Frères Sisters" s’avère pourtant un vrai et grand western, qui en respecte les codes dans ses grands espaces magnifiquement filmés, ses chevauchés, ses duels, sa violence… Evidemment, nous ne sommes pas chez John Ford et John Wayne. Audiard réalise un "western crépusculaire" dans la tradition imposé par Sam Peckinpah depuis "Coups de feu dans la Sierra" (1962, déjà situé pendant la Ruée vers l’or), "Major Dundee" (1965) et l’immense "La Horde sauvage" (1969). Son film est d’ailleurs nocturne dans sa majeure partie, référence au crépuscule westernien, qui délaisse la légende étasunienne pour le réalisme.De ce point de vue Audiard n’invente rien, mais sublime la veine. Grâce à une adaptation à la dramaturgie remarquable du roman de Patrick DeWitt, signée avec son comparse depuis "Un prophète", Thomas Bidegain . Ses deux acteurs - Joaquin Phoenix et John C. Reilly - créent par ailleurs des compositions étonnantes. La mise en scène est tout aussi ambitieuse : l’introduction époustouflante, une reconstitution historique au cordeau, une intrigue constamment relancée (la scène de l’araignée, l’enjeux familial, le revirement de Charlie sous l’influence de celui qu’il doit tuer, l’expérimentation du produit chimique…). La magnifique musique d'Alexandre Desplat donne la note finale, le compositeur sortant de ses compositions classiques avec des orchestrations plus colorées que de coutume.
Les qualificatifs manquent pour dire combien "Les Frères Sisters" constitue une oeuvre accomplie et aboutie, comme l’on en voit rarement. Sans doute le plus grand film sorti depuis le début de l’année.
LA FICHE
Réalisateur : jacques Audiard
Pays : France / Etats-Unis
Avec : Joaquin Phoenix, John C. Reilly, Jake Gyllenhaal, Riz Ahmed, Rutger Hauer
Sortie : 19 septembre 2018
Synopsis : Charlie et Elie Sisters évoluent dans un monde sauvage et hostile, ils ont du sang sur les mains : celui de criminels, celui d'innocents... Tueurs à gages, ils n'éprouvent aucun état d'âme à tuer. C'est leur métier. Charlie, le cadet, est né pour ça. Elie, lui, ne rêve que d'une vie normale. Ils sont engagés par le Commodore pour rechercher et tuer un homme. De l'Oregon à la Californie, une traque implacable commence, un parcours initiatique qui va éprouver ce lien fou qui les unit. Un chemin vers leur humanité ?
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.