"Les Gouffres" : les tréfonds d'une âme
D'Antoine Barraud (France), avec : Nathalie Boutefeu, Mathieu Amalric, Vincent Launay-Franceschini - 1h05 - Sortie : 8 janvier 2014
Synopsis : Cinq gigantesques gouffres viennent d'être découverts sur des plateaux reculés à l'autre bout du monde. Une équipe de chercheurs est envoyée sur place pour descendre dans les profondeurs. Parmi eux le professeur Georges Lebrun, venu avec son épouse. Inquiète, tendue, elle est bientôt happée par la proximité du vide.
Codes détournés
« Les Gouffres » ne se cache pas d’être une métaphore. Le film s’ouvre sur la découverte de cinq immenses cavités jusqu’alors inconnues en Amérique du Sud. Un spécialiste français s’y rend, avec sa compagne comédienne, qui doit apprendre un texte pour une pièce. Lui, se rend sur les lieux d’exploration, elle reste à l’hôtel pour travailler son rôle. Des tremblements de terre compliquent l’affaire, lui, devant faire face à une exploration périlleuse, elle, à une solitude envahissante qui va la faire vaciller.
Elle ne va pas tarder à sombrer dans ses propres gouffres intérieurs, une angoisse de tous les instants, qui se manifestent à travers les rares personnes auxquelles elle a affaire. Le gérant de l’hôtel, absent toutes les nuits, ou la servante, inquiétante, qui n’est pas sans rappeler celle de « La Maison du diable » (1963) de Robert Wise, fameux film de hantise. Antoine Barraud joue ainsi avec subtilité avec les codes du fantastique pour traiter du travail créatif à l’œuvre et des angoisses qu’il entraîne.
« The Descent »
« Les Gouffres » est un film noir, son image en témoigne au premier chef, sous-éclairée, en accord avec son sujet. Les fantasmes, la fantasmagorie de sa principale protagoniste l’entraînent dans un périple qui n’est pas sans rappeler « The Descent » (2005, Neil Marshal), excellent film d’horreur, où des femmes spéléologues découvraient dans une grotte, à leur péril, une population mutante oubliée. La découverte de l’ouverture sous son lit du gouffre par la comédienne en quête de son rôle et sa dérive dans la cavité sont de très belles métaphores de sa quête créatrice.
Le parti pris d’Antoine Barraud de traiter ces phases de son récit en suivant les règles fantastiques, lui sont très redevables. Il n’en embrouille que mieux son récit, pour mieux le valoriser. Il démontre combien le fantasme est pourvoyeur de création, en utilisant les codes cinématographiques. De ce point de vue, il n’est pas sans rappeler « Ils » (2006) de Xavier Palud et David Moreau, injustement ignoré par la critique et le public. « Les Gouffres », si l’on y tombe, jouent d’une sensibilité peu commune qui vaut le coup d’être explorée.
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