"Les Misérables" de Ladj Ly : polar social renversant, Prix du jury à Cannes
"Les Misérables", sur les écrans mercredi, révèle Ladj Ly, jeune cinéaste prodige de Montfermeil (93).
Ladj Ly assume la reprise du titre du célèbre roman de Victor Hugo, sans l'adapter. Ce premier long métrage a enflammé une partie de la critique et le public à Cannes. Prix du jury au palmarès, Les Misérables sort mercredi 20 novembre dans les salles.
Natif de Montfermeil, dans le 93, Ladj Ly y a créé le collectif Kourtrajmé à 17 ans, avec le soutien de Romain Gavras et Toumani Sangaré, afin de favoriser la réalisation de films. Il avait trouvé sa vocation en voyant La Haine, sur la banlieue parisienne, de Mathieu Kassovitz, Prix de la mise en scène à Cannes en 1995. Il le rejoint sur un sujet proche, dans sa maîtrise d’écriture et de la caméra.
Dos à dos
Stéphane (Damien Bonnard) vient d’obtenir sa mutation de Cherbourg à Montfermeil où il intègre la Brigade Anti-Criminalité (BAC). C’est son premier jour, et pour le mettre dans l’ambiance, ses collègues Chris (Alexis Manenti) et Gwada (Djebril Didier Zonga) lui font faire le "tour du proprio". L’affaire tourne mal lors d’une confrontation entre les habitants et les Tziganes d’un cirque auxquels on a volé un lionceau de la ménagerie. La petite tête brûlée qui l'a subtilisé est interpellée, mais sérieusement blessée lors de l’opération. Chris, à la tête de la brigade, tient absolument à étouffer la bavure, alors que l’incident a été filmé par un drone, ce qui pourrait mettre le feu à la cité.
Réalisateur de ce premier long métrage, Ladj Ly assume marcher sur les pas de La Haine. Kassovitz filmait la confrontation des jeunes de banlieues avec les forces de l’ordre du point de vue des habitants, Ladj Ly la voit du point de vue des policiers. Cette inversion fait toute la différence, mais ne change pas le constat. A savoir le renvoi dos à dos de responsabilités pas toujours assumées, avec les conséquences dramatiques, quand elles ne sont pas tragiques.
Cinéaste
Le récit d’une progression minutieuse, ponctué de relances constantes et diverses, suit un crescendo dont chaque étape est une révélation. Ladj Ly ouvre les portes d’univers - ceux de la police et des banlieues - avec leurs rites, leurs langues, leurs comportements, leurs regards. Ladj Ly ne se revendique pas pour autant ethnologue. Observateur, il dramatise un constat nourri de sa propre expérience, ayant grandi dans le milieu qu’il décrit.
Les Misérables évite le manichéisme banlieue/police. Le renvoi à Hugo trouve son sens dans les conditions de vie où se situent policiers et banlieusards : même non reconnaissance, mêmes foyers, mêmes problèmes familiaux… Jouant d’une caméra inventive, les scènes d’action sont percutantes, avec une tension constante de l’image. Les acteurs, professionnels ou non, crèvent l’écran, avec un Alexis Manenti (également co-scénariste) en Chris, flic teigneux plus vrai que nature. Avec Les Misérables, un cinéaste est né.
La fiche
Genre : Policier / Drame
Réalisateur : Ladj Ly
Acteurs : Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Didier Zonga, Issa Perica
Pays : France
Durée : 1h42
Sortie : 20 novembre 2019
Distributeur : Le Pacte
Synopsis : Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux "Bacqueux" d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes...
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