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"Les Sorcières de Zugarramurdi" : Carmen Maura en prêtresse complètement piquée

Alex de la Iglesia a hérité de la tradition du cinéma fantastique espagnol des années 70, avec les Jesus Franco et autre Paul Nashy qui œuvraient dans la série B ou Z. Ses « Sorcières de Zugarramurdi » relèvent d’une autre facture, bien plus accomplie, mais toujours aussi délirante, voire plus. Alex de la Iglesia s’y adonne pour notre plus grand plaisir.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Carolina Bang, Carmen Maura et Macarena Gomez dans "Les Sorcières de Zugarramurdi"  de Alex de la Iglesia
 (Enrique Cerezo)

De Alex de la Iglesia (Espagne/France), avec : Carmen Maura, Hugo Silva, Mario Casas, Carolina Bang, Gabriel Delgado - 1h52 - Sortie : 8 janvier 2014

Synopsis : En plein jour, un groupe d’hommes braque un magasin d’or de la Puerta del Sol à Madrid. José, père divorcé en plein conflit avec son ex-femme, Tony, son complice, sex-symbol malgré lui, Manuel, chauffeur de taxi embarqué contre son gré dans l’aventure, et Sergio, le fils de José, partent en cavale. Objectif : atteindre la France en échappant à la police… Mais arrivé près de la frontière française, dans le village millénaire de Zugarramurdi, le groupe va faire la rencontre d’une famille de sorcières, bien décidées à user de leurs pouvoirs maléfiques pour se venger des hommes…

De « Reservoir Dogs » à Suspiria »
Quelle folie que  "Les Sorcières de Zugarramurdi" ! Le film s’ouvre sur un des braquages les plus improbables de l’histoire du cinéma. Un gang déguisé en statues vivantes - un Christ portant sa croix, un soldat de plastique vert comme dans « Toys Story », et le tout jeune fils du leader du groupe - vole une boutique de transaction orifère. S’ensuit une poursuite à fond les vélos avec des protagonistes inattendus, jusqu’à un village peuplé de sorcières qui vont nous emmener jusqu’à un final de folie.

Même si Alex de la Iglesia prend un peu trop de temps pour raconter son histoire de dingue, ses « Sorcières de Zugarramurdi » valent le détour à plus d’un titre. Pour la démesure de son scénario qui passe du thriller à la « Reservoir Dogs » de Tarantino, au fantastique de « Suspiria » de Dario Argento, avec un second degré et un humour de tous les instants.  Alex de la Iglesia a toujours œuvré dans le genre : « Action Mutante », « Le Jour de la bête », et en 2010 « Balada Triste » resté dans les mémoires. Un univers surréaliste et déjanté, métaphorique, bourré d’humour, mais aussi cruel et politique.

Hugo Silva et Mario Casas dans "Les Sorcières de Zugarramurdi" de Alex de la Iglesias
 (Enrique Cerezo)

Antifranquiste
Le casse du début du film, aussi dérisoire que délirant, mené par un désespéré et son fils, pointe la situation financière et économique qui frappe l’Espagne. Leur fuite interrompue par une assemblée de sorcières renvoie à la résurgence de croyances antiques, superstitieuses et plus généralement catholiques, conservatrices, en référence à Franco, que dénonce le film. A la différence que ce rassemblement vise à faire ressurgir une divinité maternelle de la nature, païenne, mais non diabolique, comme on l’associe souvent à la sorcellerie. Si Alex de la Iglesia fait de la sorte, ce n’est pas tant par misogynie que pour dénoncer le rôle des femmes espagnoles dans le maintien du conservatisme en son pays, dont le retour récent de l’interdiction de l’avortement est révélateur.

Le cinéaste a toujours tenu ce type de discours dans ses films et l’affirme dans ses  « Sorcières de Zugarramurdi », comme il l’avait déjà fait dans « Balada Triste », au propos encore plus antifranquiste. Si l’humour est constant, la cruauté également. Le film est en effet très gore, avec moult scènes de tortures, mais totalement tournées en dérision. La violence demeure cependant et doit être avertie pour les plus jeunes. Les acteurs s’y adonnent toutefois à cœur joie, la mise en scène est inventive avec beaucoup d’action et de moments de délire inattendus (les marches de Carmen Maura au plafond, les dents d’acier de Macanera Gomez, la beauté vénéneuse de Carolina Bang…), et enfin l’apparition gigantesque de la divinité s’apprêtant à un repas rituel. De la folie pure et non dénuée de sens : Alex de la Iglesia est un sorcier.

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