"Maria" : biopic sur l’actrice Maria Schneider, trop vite star, trop vite oubliée
Comédienne dans une quarantaine de films entre 1972 et 2009, deux ans avant son décès d’un cancer, Maria Schneider n’a pas connu la belle carrière qui s'offrait à elle. Le Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci l’a marquée au fer rouge en l’enfermant dans les films de charme, ou des personnages sensuels, même si elle tourna aussi avec Michelangelo Antonioni ou Luigi Comencini.
Dominé par l’interprétation de Anamaria Vartolomei dans le rôle-titre, confrontée au "monstre" Marlon Brando, remarquablement interprété par Matt Dillon, et servi par une mise en scène à fleur de peau, Maria sort en salle mercredi 19 juin.
Violence et humiliation
Au sortir de l’adolescence, après des apparitions dans cinq films, Maria Schneider est propulsée star à 19 ans en jouant dans le sulfureux Dernier tango à Paris où elle est enfermée avec Marlon Brando dans un huis clos sexuel, qui fait scandale et attire les foules. Le film rapporte à sa sortie plus de 36 millions de dollars pour un budget de 1,2 million, à une époque où l’érotisme s’installe dans les salles. Phénomène de société, il enferme l’actrice dans les films de charme, mais cela ne l’empêchera pas de voir ses talents d’actrice reconnus avec des réalisateurs tels que Terence Young, Michelangelo Antonioni ou Luigi Comencini.
La réalisatrice Jessica Palud prend le point de vue de Maria Schneider qui a été ignorée comme personne en 1972, car, à priori, malléable à merci. Elle s'attarde notamment sur le tournage du Dernier tango à Paris, et en particulier de la célèbre scène de sodomie à l'aide d'une plaquette de beurre, subie par une comédienne ignorante des intentions du réalisateur Bernardo Bertolucci avec la complicité de Marlon Brando et de l'équipe. Violence et humiliation extrêmes qui résonnent âprement à l'ère MeToo aujourd'hui.
Nœud gordien
Le film de Jessica Palud ne s’arrête pas au Dernier Tango, mais traite de l’avant, du pendant et de l’après. Le film de Bertolucci est le nœud gordien, le pivot qui détermine un destin. Peu de films marquants jalonnent la carrière de Maria Schneider, qui reste régulièrement à l'écran, mais dans des seconds rôles, comme dans La Dérobade, son rare premier rôle étant celui d'une vampire dans le calamiteux Mama Dracula (1980). Plus que la carrière, ce qui intéresse Jessica Palud, c’est la femme, et le regard que posent les hommes et les réalisateurs sur elle.
Dans les années 70, le cinéma est encore un monde d’hommes destiné aux hommes. L’omniprésence de la femme à l’écran, déterminée par le rapport érotique qu’exerce l’image sur le spectateur, est décuplée par le nu à l'écran. Une constance depuis la naissance de l’art. Elle est pervertie quand elle est au croisement de l’art et de l’industrie, comme l'est le cinéma. Maria Schneider et Le Dernier tango à Paris arrivent trois ans après 1968 et la naissance du MLF (Mouvement de Libération des Femmes), dont l’émancipation a aussi participé à une libération de la représentation du corps à l’écran. Avec Maria, Jessica Palud en expose toute l’ambiguïté.
La fiche
Genre : Biopic / Drame
Réalisatrice : Jessica Palud
Pays : France
Durée : 1h40
Sortie : 19 juin 2024
Distributeur : Haut et court
Tout public avec avertissement
Synopsis : Maria n’est plus une enfant et pas encore une adulte lorsqu’elle enflamme la pellicule d’un film sulfureux devenu culte : Le Dernier tango à Paris. Elle accède rapidement à la célébrité et devient une actrice iconique sans être préparée ni à la gloire ni au scandale…
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.