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"Mary Shelley" : un biopic féministe de l'auteure de "Frankenstein"

Première réalisatrice saoudienne avec "Wadjda" en 2013, Haifaa Al-Mansour sort son premier film sous bannière britannique, sur une romancière majeure de la littérature anglaise, Mary Shelley, l’auteure de "Frankenstein". Par ailleurs féministe avant la lettre, scandaleuse à 16 ans, mariée au poète Shelley, croisant Byron et Polidori, son destin atypique méritait une adaptation plus audacieuse.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Elle Fanning dans "Mary Shelley" de Haifaa Al Mansour
 (Pyramide Distribution)

La villa Deodati

Mary Wollstonecraft Godwin - devenue Mary Shelley (1797-1851) après son mariage avec Percy. B. Shelley - était la fille d’un couple d’intellectuels britanniques aux idées libertaires. Précurseurs dès la fin du XVIIIe siècle du féminisme, Mary a été leur digne héritière. Elle a écrit "Frankenstein" vers 18 ans. Son roman de la veine gothique de l’époque, fut d’abord publié anonymement. L’éditeur refusait de mentionner qu’une jeune fille mineure pouvait être l’auteure d’un roman assemblant tant d’horreurs.
"Frankenstein", nom souvent identifié à la créature composée de morceaux de cadavres dans le récit, est en fait le nom du savant qui l’a façonnée. "Frankenstein" aura une belle descendance, tant littéraire, comme précurseur de la science-fiction, qu’au cinéma avec de multiples films des années 1930 à aujourd’hui, et sans doute encore pour longtemps.

Reportage : Daniel Wolfromm / I. Pernet-Duparc / S. Worreth / E. Goldstein
La genèse du roman est elle-même romanesque, une des plus belles histoires de la littérature. C’est le nœud de l’histoire de Mary Shelley et celui du film. Amants, Mary, 16 ans, et Percy fuguent de Londres à Genève rejoindre Byron et son amant, le docteur Polidori. Là dans la villa Deodati, sur le lac Léman, tous quatre se lancent le défi d’écrire l’histoire la plus horrible. De là viendra chez la jeune fille l’idée de "Frankenstein". "Gothic" (1986) de Ken Russell racontait déjà cette histoire dans le style baroque qu’on lui connaît.
"Mary Shelley" de Haifaa Al Mansour
 (Pyramide Distribution)

Professionnalisme

Haifaa Al-Mansour emprunte une voie beaucoup plus sage que celle de Ken Russell. Elle se fait académique, dans une sobre reconstitution à l’esthétique très anglaise, avec une Elle Fanning bien castée dans le rôle-titre. Mais si le sujet reflète les idées de sa réalisatrice, son traitement impersonnel dissimule la metteuse en scène. Ses intentions sont celles de montrer l’indépendance d’une femme en avance sur son temps, alors qu’elle-même est originaire d’un pays à la forte tradition patriarcale. Aussi, va-t-elle dans le sens des réformes engagées en Arabie-saoudite, qui s’ouvre aujourd’hui à plus de souplesse. Elle recoupe tout autant la question très actuelle, sous toutes les latitudes, des discriminations faites aux femmes.

La maîtrise de son film semble destinée à démontrer que la cinéaste peut se fondre dans les critères occidentaux de réalisation. Ce professionnalisme va au détriment de l’émotion, mais fait tout de même passer le message.
"Mary Shelley " : l'affiche
 (Payramide Distribution)

LA FICHE

Genre : Biopic / Drame
Réalisateur : Haifaa Al Mansour
Pays : Grande-Bretagne
Acteurs : Elle Fanning, Douglas Booth, Tom Sturridge, Bel Powley, Owen Richards, Joanne Frogatt, Stephen Dillan, Maisie Williams, Ben Hardy
Durée : 2h00
Sortie : 8 août 2018

Synopsis : En 1814, Mary Wollstonecraft Godwin entame une relation passionnée et scandaleuse avec le poète Percy Shelley et s’enfuit avec lui. Elle a 16 ans. Condamné par les bienpensants, leur amour tumultueux se nourrit de leurs idées progressistes. En 1816, le couple est invité à passer l’été à Genève, au bord du lac Léman, dans la demeure de Lord Byron. Lors d’une nuit d’orage, à la faveur d’un pari, Mary a l’idée du personnage de Frankenstein. Dans une société qui ne laissait aucune place aux femmes de lettres, Mary Shelley, 18 ans à peine, allait révolutionner la littérature et marquer la culture populaire à tout jamais.

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