"Megalopolis" : la folle épopée du dernier film de Francis Ford Coppola

Le réalisateur américain de 85 ans s'est endetté personnellement pour réaliser ce film dont le coût s'élève à près de 120 millions de dollars.
Article rédigé par Paul Dubois
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5 min
Megalopolis de Francis Ford Coppola sorti en 2024. (CAESAR FILM LLC)

Mercredi 25 septembre sort en salles Megalopolis, le nouveau film de Francis Ford Coppola. À 85 ans, le légendaire réalisateur du Parrain signe son retour, 11 ans après Twixt. Franceinfo retrace la genèse de cette œuvre et de son univers à mi chemin entre l'effondrement de Rome et une Amérique futuriste, évoquant de nombreux parallèles avec la production d'Apocalypse Now, film culte sorti il y a 45 ans, en 1979.

Un projet mûri pendant 40 ans

Francis Ford Coppola a déclaré que Megalopolis était dédié à sa femme Eleanor, morte en avril 2024, révélant le premier extrait du film en mai 2024 avant le festival de Cannes et dont la sortie est prévue le 25 septembre. Le projet remonte à bien plus longtemps. Il a même commencé à l'écrire en 1982 et, selon lui, il y réfléchissait déjà lors du tournage d'Apocalypse Now. Après diverses tentatives motivées notamment par une passion obsessionnelle pour le projet, il avait même accepté de diriger d'autres films comme Dracula (1992) pour le financer. Des auditions avec de grands noms d'Hollywood avaient eu lieu, tandis qu'il tournait déjà des images de New York. Après des années de développement, il a finalement abandonné le projet, conscient que les studios préféraient investir dans des franchises. En 2001, alors qu'il avait débuté des essais, les attentats du 11 septembre ont bouleversé son approche d'une ville en reconstruction après un cataclysme. Et ce n'est qu'en mai 2019 que le film refait surface.

Un budget colossal

Personne ne souhaitant financer son film, Francis Ford Coppola décide de le produire lui-même en investissant 120 millions de dollars propres, ce qui a nécessité la vente de plusieurs de ses vignobles en Californie. Il a ainsi brisé une règle d'Hollywood selon laquelle les réalisateurs ne doivent pas financer leurs propres projets. Le cinéaste défend cette forme d'indépendance et a d'ailleurs salué l'attribution de la Palme d'Or au film Anora de Sean Baker, qui n'a été financé ni par un studio, ni par une plateforme incarnant une forme de resistance dans le monde du cinéma américain. Francis Ford Coppola, qui a témoigné avoir déjà emprunté 30 millions de dollars pour Apocalypse Now, a affronté des défis similaires avec Megalopolis. Préférant des effets spéciaux aux fonds verts, il a vu son budget exploser, tout en filmant plus de trente heures de scènes à New York. Rien n'est trop grand pour le monstre sacré.

Un tournage difficile 

Le tournage du film, qualifié par Coppola de "projet rêvé", a été marqué par un chaos important, avec des démissions nombreuses et un scénario réécrit plus de 300 fois. Selon The Guardian, le processus était si chaotique qu'un membre de l'équipe a comparé le tournage à un train déraillant, tandis que Coppola, souvent isolé dans sa caravane, consommant beaucoup de cannabis, changeait d'idées sans stratégie claire. Les acteurs, dont Adam Driver, ont souffert d'attentes prolongées, et des choix jugés inappropriés ont provoqué des critiques. Les tensions ont atteint leur paroxysme en décembre 2022, à mi-parcours des seize semaines de tournage, avec le licenciement ou la démission de la plupart des équipes d’effets visuels et artistiques. Après avoir décrit un Coppola en détresse,The Guardian a rapporté des accusations selon lesquelles il aurait encouragé des femmes à s’asseoir sur ses genoux et tenté d’embrasser une figurante. En réponse, le coproducteur exécutif Darren Demeter a défendu Coppola, affirmant que c'était sa façon de créer une atmosphère inspirante, sans jamais avoir reçu de plaintes de harcèlement.

Le rêve tenu à distance par les critiques

Francis Ford Coppola, qui avait été récompensé par deux palmes d'or, une pour Conversation secrète (1974) et l'autre pour Apocalypse Now (1979), est cette fois revenu de Cannes sans distinction, confronté à une critique plutôt sévère de sa dernière œuvre. La première mondiale de Megalopolis, présentée à Cannes en mai dernier, a suscité des réactions particulièrement contrastées, The Guardian le qualifiant de "méga-ennuyeux". Les opinions divergent fortement, illustrant une polarisation marquée parmi les spectateurs et les critiques. Si certains louent l'ambition audacieuse de Coppola, d'autres déplorent l'exécution chaotique et le ton souvent inconstant du film. Les références à Apocalypse Now amplifient encore la pression, rendant les jugements sur Megalopolis d'autant plus acérés.

Film mégalo ou d'avant-garde ? 

Mais fidèle à lui-même, Francis Ford Coppola reste imperturbable et semble convaincu que son film connaîtra une destinée similaire à celle de Carmen de Bizet ou à celle....d’Apocalypse Now. À l'époque, personne ne croyait en ce dernier, sa projection à Cannes fut un désastre, mais il est aujourd'hui considéré comme un chef-d'œuvre du cinéma mondial. Le réalisateur se présente comme un artiste visionnaire, capable de prédire l'avenir, à l'image de Conversation secrète, sorti dix ans avant le scandale du Watergate qui a bouleversé les États-Unis. Pour la promotion de Megalopolis, Coppola souhaitait d'ailleurs recréer l'impact d'Apocalypse Now en demandant à Lionsgate, son distributeur, d'utiliser des titres de journaux de 1979 pour défier les critiques. Cependant, Lionsgate a retiré la bande-annonce après avoir diffusé de fausses citations critiques négatives concernant des films comme Le Parrain et Apocalypse Now. Lionsgate a présenté des excuses pour cette erreur, tandis que le critique Owen Gleiberman a dénoncé le récit trompeur de la bande-annonce. 

Pas encore une fin de carrière

Alors, Megalopolis, une oeuvre testamentaire ? Pas tout à fait, car même si le film laissait penser qu'il serait le dernier film du réalisateur, Francis Ford Coppola a révélé dans une interview accordée à Libération qu'il travaille déjà sur un nouveau projet pour réaliser un vieux rêve. Coppola évoque que le cinéma traditionnel repose sur le montage, mais il souhaite expérimenter le tournage "en direct". Pour ce projet en live il a simplement indiqué des pistes concernant le nom "Electric Vision" ou "Distant Vision". Bien qu'il ait envisagé de réaliser Coup de cœur de cette manière, qu'il appelait alors "cinéma électronique", il a finalement suivi les conseils de son directeur de la photographie de l'époque, ce qu'il regrette. Pour ce qui est de l'échéance, le maestro n'a encore indiqué ni de date de tournage, ni de date de sortie.

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