"Mère et fils" : autopsie d'une bourgeoisie roumaine
De Calin Peter Netzer (Roumanie), avec : Luminita Gheorghiu, Bogdan Dumitrache, Ilinca Goia - 1h52 - Sortie : 15 janvier 2014
Synopsis : Cornelia, 60 ans, mène une vie privilégiée à Bucarest, entourée de ses amis riches et puissants. Pourtant, les relations tendues qu’elle entretient avec son fils la tourmentent. Celui-ci repousse autant qu’il peut la présence d’une mère possessive. Quand Cornelia apprend qu’il est impliqué dans un accident de voiture qui a coûté la vie à un enfant, elle va utiliser toute son influence pour le sortir de cette situation où il risque une sévère peine de prison. Mais l’enfer du fils est pavé des bonnes intentions de sa mère. La frontière entre amour maternel et manipulation est mince...
Corruption
Les classes sociales supérieures sont rarement abordées par les cinéastes roumains, plus portés sur les problèmes rencontrés par les plus déshérités, à l’image des difficultés économiques que rencontre le pays. Ce qui n’est pas sans participer à une certaine stigmatisation de la Roumanie. C’est tout le mérite de « Mère et fils » de se focaliser sur une grande bourgeoise et ses difficultés affectives avec son fils, auteur d’un drame de la route où un adolescent de 14 ans, de classe ouvrière, a perdu la vie.
Si Calin Peter Netzer traite bien de ces rapports tumultueux entre une mère, séparée de son mari, et son fils unique, il traite avant tout du reflexe inhérent à sa position sociale consistant à mettre en branle ses relations et son pouvoir pécuniaire, pour tirer son fils du mauvais pas dans lequel il se trouve. Le film pointe par ce fait divers et ses conséquences, de la corruption qui, selon les observateurs, gangrène sévèrement la Roumanie. Si ce sujet est au cœur de « Mère et fils », ceux du rapport de classes et la quête d’indépendance d’un fils par rapport à une mère puissante, mais frustrée dans sa filiation, sont également des thèmes importants du film.
Prête à tout
Cette mère est prête à tout pour sauver son fils de la prison. Faire jouer ses relations, soudoyer, mentir ou faire mentir le seul témoin du drame, jouer d’hypocrisie envers les parents de la jeune victime… La dernière scène où elle se rend chez ces parents bouleversés par la mort de leur fils, met en avant tous ses stratagèmes pour arriver à ses fins. Elle valorise notamment les rapports privilégiés qu’elle entretient avec ce fils unique pour les sensibiliser, alors que c’est tout le contraire, glissant au passage une enveloppe. Mais n’est-ce pas aussi tout l’amour qu’elle lui porte ainsi exprimé ?
Calin Peter Netzer fait bien passer ces messages multiples et complexes par leurs imbrications. Demeure toutefois un bémol dans la mise en scène qui privilégie une caméra portée, aux nombreux gros plans, un peu systématiques, et une abondance de dialogues. L'ensemble est quelque peu saoulant sur une durée de près de deux heures, aux nombreux plans séquences, sur un rythme languissant. Cette forme un peu âpre est contrebalancée par d’excellents acteurs et un sujet qui tranche avec une certaine complaisance, ou un aveuglement ambiant.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.