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"Millénium : Ce qui ne me tue pas" : Lisbeth Salender perd de sa splendeur

Best-seller apparu en 2005, série TV, trilogie au cinéma, puis film de David Fincher, le thriller suédois "Millénium" de Stieg Larsson, repris par David Lagercrantz à sa mort, prolongé en BD, est un phénomène pop. "Millénium : Ce qui ne me tue pas" de Fede Alvarez adapte le premier roman prolongeant l’œuvre originale de Larsson, ou comment un grand thriller devient une franchise sinon une marque.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Claire Foy dans "Millénium : ce qui ne me tue pas" de Fede Alvarez
 (2018 Sony Pictures Entertainment Deutschland GmbH )

Récupération

A la lumière de l’affaire Weinstein et du mouvement #MeToo, la sortie de "Millénium" en librairie en 2005, puis à la télévision et au cinéma, apparaît réellement prémonitoire. Lisbeth Salender, son héroïne hacker vengeresse des femmes violentées, contient dans ses gènes toutes les revendications féministes. Ce texte fondateur et troublant qui avait gardé jusqu’ici sa puissance subversive, devient avec "Millénium : Ce qui ne me tue pas" le prétexte à une codification, un motif au service d’un thriller conventionnel.
Ce qui choque dans le film de Fede Alvarez (le remake d’"Evil Dead"), c’est la récupération de ce qui fait le personnage de Lisbeth Salender dans sa spécificité au profit d’un récit attendu, dans la lignée d’un James Bond ou d’un Jack Reacher. Un informaticien de génie fait appel à Lisbeth Salender (Claire Foy) pour ses talents de hacker, afin de récupérer son logiciel volé, conçu pour coordonner les armes nucléaires dispersées dans le monde dans une offensive concertée. Elle s’oppose à une puissante organisation qui tente de se l’approprier pour détruire le monde.

Recette de cuisine

Cette récupération s’effectue dès la première scène, où Lisbeth sauve une épouse d’un puissant PDG qui la frappe. Le personnage très riche et complexe des débuts devient une superhéroïne protectrice des femmes battues et bientôt, de l’orphelin. Dans la tradition des comics, le scénario donne les origines enfantines traumatiques de cette cause, dont les prolongements se retrouveront dans la révélation, où sont dévoilés l’inspiratrice et les motifs de son ennemie. Lisbeth en est réduite à une salvatrice du monde, à la James Bond, et à un Jack Reacher, hanté par son passé déconstruit et roi de l’informatique. La formule sent la recette à plein nez.
Claire Foy dans "Millénium : ce qui ne me tue pas" de Fede Alvarez
 (2018 Sony Pictures Entertainment Deutschland GmbH)
Elle est d’autant plus odorante, que le film fait appel à toute la batterie fétichiste de l’original, de l’esthétique sado-maso à la fascination technologique. Le tout réchauffé à la flamme d’un traumatisme psychologique familial de bazar, pour faire lien avec le récit original. La réalisation est digne des meilleurs faiseurs d’Hollywood, alors que Fede Alvarez a pu faire preuve d’originalité par le passé. Comme s’il était, comme Lisbeth Salander, victime de son talent et de son succès.
"Millénium : ce qui ne me tue pas" : l'affiche
 ( Sony Pictures Releasing France )

LA FICHE

Genre : Thriller
Réalisateur : Fede Alvarez
Pays : Etats-Unis
Acteurs : Claire Foy, Sverrir Gudnason, Sylvia Hoeks, Lakheit Stanfield, Claes Bang, Vicky Krieps, Stephen Merchant, Christopher Convery
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Durée : 1h56
Sortie : 14 novembre 2018

Synopsis : Frans Balder, éminent chercheur suédois en intelligence artificielle fait appel à Lisbeth Salander afin de récupérer un logiciel qu'il a créé et permettant de prendre le contrôle d'armes nucléaires. Mais la NSA ainsi qu'un groupe de terroristes mené par Jan Holster sont également sur la piste du logiciel. Traquée, Lisbeth va faire appel à son ami le journaliste Mikael Blomkvist qu'elle n'a pas vu depuis 3 ans.

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