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"Moka", thriller feutré avec Emmanuelle Devos et Nathalie Baye

Réunir Emmanuelle Devos et Nathalie Baye en tête d'affiche de "Moka" est une excellente idée de casting, d'autant que ce face à face s'inscrit dans un thriller psychologique que l'on croirait écrit pour elles. A la caméra, le Suisse Frédéric Mermoud, tout en mesure, fait appelle pour la seconde fois à Emmanuelle Devos, après "Complices".
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Emannuelle Devos dans "Moka" de Frédéric Mermoud
 (Pyramide Distribution)

Sonate

Sur le papier, "Moka" évoque instantanément "Que la bête meure" (1969) de Claude Chabrol, où Maurice Ronet remontait la piste jusqu'à Jean Yann, le chauffard responsable de la mort de son fils. A la différence que chez Chabrol, Yann était un être abject n'inspirant que haine, alors que Nathalie Baye, la supposée chauffarde, est séduisante et fragile. Tout oppose Diane (Emmanuelle Devos) à Marlène (Nathalie Baye). La première, écrivaine, nature, sans maquillage, revêt un style commando ; la seconde, patronne d'un institut de beauté, pimpante, arbore une coloration blonde comme pour cacher ses cheveux blancs. Une séduction réciproque va pourtant s'installer.
Traumatisée, haineuse, revancharde, Diane va manœuvrer pour confondre Marlène, en pleine crise de la maturité. Elle va sentir cette fragilité qui, sans la dissuader de son objectif, va la troubler. Elle-même sortant d'une séparation, elle s'identifie à cette femme au bord de la rupture, qui doute de son compagnon, de 13 ans son cadet, et dont elle découvrira le secret. Il ne se passe pas grand-chose dans "Moka", seulement des approches furtives. Frédéric Mermoud y va tout en douceur, glisse sur son intrigue, la caresse, plutôt que la prendre à bras le corps. Il retient tout effet de violence, privilégie la tristesse, comme le traduit l'usage de la "Sonate au clair de lune" de Beethoven.

Décaféiné

Le cinéaste privilégie un style feutré, jusqu'à ce que la résolution du mystère pointe, entraînant une accélération du rythme. La scène de restaurant entre Diane et Marlène est un tournant. Le cadeau qu'elle lui offre est ouvertement déplacé, un acte maladroit. Le tutoiement dont elles font usage après coup, a tout de choquant, sinon d'artificiel, entre deux femmes qui se connaissent à peine et jusque là sur la réserve. Les révélations se succèdent alors, jusqu'à un dénouement, sinon prévisible, du moins dans l'air.
Nathalie Baye au JT de France 2 : "Pour le rôle de Marlène, dès le début j'ai imaginé le paraître"
 (France 2 Culturebox)
"Moka" participe de la veine du thriller psychologique sur laquelle surfait il y a peu "Irréprochable", avec Marina Foïs, où s'exposait également un conflit entre deux femmes et un jeu de séduction manipulatoire. Mais le film de Sébastien Marnier poussait le bouchon plus loin, en jouant du déséquilibre de son personnage, alors que Diane ne traduit que la peine et non la faille. Il en résulte une couleur atone de la mise en scène, cette retenue pouvant être perçue comme une qualité, mais qui empiète sur le jeu des actrices et tout le film, puisqu'il repose pour beaucoup sur leur performance. Un parti-pris sans doute revendiqué par Frédéric Mermoud. Par le titre "Moka", il renvoie à la couleur douce de la voiture criminelle, comme une main de fer dans un gant de velours, mais pas assez corsée.
"Moka" : l'affiche
 (Pyramide Distribution)

LA FICHE

Drame de Frédéric Mermoud (France/Suisse) - Avec :  Emmanuelle Devos, Nathalie Baye, David Clavel, Diane Rouxel, Olivier Chantreau, Jean-Philippe Écoffey, amuel Labarthe  - Durée : 1h30 - Sortie: 17 août 2016

Synopsis : Munie de quelques affaires, d’un peu d’argent et d’une arme, Diane Kramer part à Evian. Elle n’a qu’une obsession : retrouver le conducteur de la Mercedes couleur moka qui a renversé son fils et bouleversé sa vie. Mais le chemin de la vérité est plus sinueux qu’il n’y paraît. Diane devra se confronter à une autre femme, attachante et mystérieuse…

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