"Or de vie" : le film de Boubacar Sangaré documente sans fioritures la vie d'un jeune orpailleur au Burkina Faso
Or de vie, en salles depuis le 5 juin, est une vie d'adolescent et d'orpailleur filmée durant trois années par le cinéaste burkinabè Boubacar Sangaré. Son premier long métrage documentaire pour le cinéma est un portrait de Rasmané, dont on découvre pour la première fois le visage juvénile à l'âge de 16 ans. Il officie sur le site d'orpaillage de Bantara, dans le sud-ouest du Burkina Faso. Pour "atteindre l'or", expression consacrée pour désigner la quête du métal précieux, il se plie à un environnement rude et à une activité risquée.
L'éventualité d'un accident mortel dans les galeries est un sujet inévitable entre jeunes et moins jeunes. Mais c'est le prix à payer pour Rasmané, qui ne vit plus avec ses parents et aspire à gagner son indépendance. L'orpaillage en est le gage. En faisant du travail de cet enfant orpailleur le sujet de son documentaire, Boubacar Sangaré rappelle que des milliers d'autres s'échinent dans les mines d'or au Burkina Faso et s'offre, au passage, une sorte d'alias cinématographique. L'univers de l'orpaillage lui est familier. À 13 ans, le réalisateur a vendu de l'eau sur l'un de ces sites miniers.
Sangaré recourt aux plans larges pour faire découvrir, sous tous les angles, l'endroit où travaille Rasmané : succession de baraques aux bâches bleues poussiéreuses le jour et pléthore de petites lumières la nuit. Les plans moyens sont ceux de la convivialité, ces moments où l'on peut discuter de tout et de rien. Les plus âgés racontent ainsi qu'il est mortel de croiser l'or vivant quand on est en quête de l'or inanimé, le graal.
On y échange aussi des informations sur la conjoncture de l'exploitation, comme la menaçante arrivée de "la machine du blanc". Les petits camarades de Rasmané rêvent d'ailleurs de "creuser aussi profondément que le blanc", avant de redescendre rapidement sur terre. La différence entre l'exploitation artisanale et industrielle étant comparable à la "distance entre la lune et le soleil", note avec sagesse l'un des jeunes orpailleurs.
Enfin, dans les galeries, ce sont les plans serrés sur le visage de Rasmané, parfois entièrement plongé dans cette eau qui se pompe forcément moins vite avec un dispositif artisanal, qui illustrent l'intensité et la dangerosité de la tâche.
Une tragique vie de labeur
Rasmané vieillit ainsi devant la caméra de Boubacar Sangaré. L'adolescent est l'acteur d'un quotidien marqué par la monotonie : on se prépare son riz aux haricots, on mange, on discute un peu avec ses amis et les adultes, on descend dans la mine puis rebelote pour une nouvelle journée. Rythmés par l'espoir de ramener quelques grammes d'or, les jours et les nuits se succédent à l'infini. La beauté de l'image contraste avec cette vie à la fois admirable et tragique, captée de façon brute, sans artifice. La bande-son, constituée en grande partie par les seuls bruits d'ambiance, en témoigne.
Avec Or de vie, Boubacar Sangaré documente, encore une fois, les perspectives limitées offertes à tous les Rasmané qui constituent la majorité du continent le plus jeune de la planète, l'Afrique.
La fiche
Genre : documentaire
Réalisateur : Boubacar Sangaré
Distribution : Rasmané Tall
Pays : Burkina Faso, Bénin, France
Durée : 1h24
Sortie : 5 juin 2024
Distributeur : Les Films de la caravane
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