"Orpheline" : quatre actrices dans la peau d'une femme
Fugueuse
Le principe de mise en scène consistant à confier un même rôle à quatre actrices, selon l’âge du personnage, rappelle "Moonlight" récemment auréolé de l’Oscar du Meilleur film à Hollywood. Arnaud des Pallières ne suit toutefois pas la trame chronologique de Barry Jenkins, puisqu’il prend son héroïne depuis l’âge adulte, jusqu’à sa petite enfance, mais comme lui, lui donne des noms différents à chaque étape.Ces changements de noms renvoient à l’instabilité de cette jeune femme, que l’on découvre directrice d’école, enceinte, à deux doigts de se marier, rattrapée par son passé. Installée socialement et dans sa vie affective, Renée se découvre. Elle a été Sandra, ancienne escroc et arnaqueuse de sa complice. Elle en est arrivée là après une adolescence difficile, fugueuse à répétition, un peu trop mature de corps et d’esprit sous le nom de Karine. Cette fuite en avant prend sa source en Kiki, la petite fille traumatisée par un drame de l’enfance…
Cache-cache psychologique
Le nœud originel de cette histoire enfantine prend racine lors d’une partie de cache-cache avec ses cousins. Un cache-cache qu’elle ne cessera d’actualiser au fil de sa vie, dissimulée sous diverses identités, solitaire… orpheline. Changeante, sa constante est la fuite, la rupture, qu’elle pratique avec art, avec les hommes, avec ses personnalités successives. Renée/Sandra/Karine/Kiki, schizophrène ? Loin s’en faut. Elle assume, revendique même, jusqu’au dernier moment, dans un départ ultime. Elle passe d’enfant à femme-enfant, à jeune adulte, à femme accomplie, par rupture, pour se protéger. Ce sont les autres qui ne savent pas ce qu’ils font. Elle, elle suit sa ligne de conduite, fidèle à elle-même. Les hommes (très justes Jalil Lespert, Nicolas Duvauchelle et Sergi Lopez), ne sont que de passage.Subtil cache-cache psychologique à quatre voix, "Orpheline" n’en demeure que plus cohérent dans son portrait de femme et sa mise en scène. Car elle aussi est toute en rupture de ton, de cadre, de lumière, d’environnement, en harmonie avec son sujet pluriel… qui n’en fait qu’un. Serpent qui se mord la queue, soumise au cercle vicieux de la répétition, Renée/Sandra/Karine/Kiki cherche la stabilité dans l’instable. Toujours sobre et maître de ses intentions, complexe et paradoxal, Arnaud des Pallières ne cherche pas à séduire, mais convainc.
LA FICHE
Drame d'Arnaud des Pallières (France) - Avec : Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot, Vega Cuzytek, Jalil Lespert, Nicolas Duvauchelle, Sergi Lopez, Karim Leklou Durée : 1h51 - Sortie : 29 mars 2017
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Synopsis :Portrait d’une femme à quatre âges de sa vie. Renée, femme accomplie, qui se croyait à l’abri de son passé est arrêtée par la police Jeune provinciale montée à Paris, elle a frôlé la catastrophe, après avoir été une adolescente ballottée de fugue en fugue, d’homme en homme, puisque tout valait mieux que le triste foyer familial. Au début, c’était une petite fille de la campagne, prise dans une tragique partie de cache-cache…
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