"Planétarium" : Natalie Portman et Lily-Rose Depp chez les fantômes
Les spirites et le cinéaste
"Planétarium" repose sur un scénario saugrenu. Rassembler dans une même histoire une évocation des sœurs Fox, qui "inventèrent" autour de 1850 le spiritisme aux Etats-Unis, et le destin tragique de Bernard Natan, producteur et distributeur français, successeur de Charles Pathé au seuil des années 30. Les deux sœurs se donnèrent en spectacle à travers les Etats-Unis et l’Europe, gagnant des milliers d’adeptes, dont Victor Hugo, Conan-Doyle, et leur principal disciple Alan Kardec. Bernard Natan, lui, est féru de cinéma, repreneur de la maison Pathé en 1929. Il subit un tel destin qu’il est identifié à un "Dreyfus du cinéma français", tant il fut attaqué pour ses origines juives, né en Hongrie, emprisonné en 1939 et finalement assassiné à Auschwitz en 1943.Rebecca Zlotowski change les noms et amalgame ces deux histoires dans les années 30, en pleine montée du nazisme, au moment où Hitler prend le pouvoir. Elle invente une rencontre entre les deux sœurs (devenues Barlow) et Natan (André Korben dans le film) qui, subjugué par leur pouvoir, décide de réaliser un film permettant de visualiser à l’écran les ectoplasmes qu’elles invoquent. Le projet est prometteur, mais Rebecca Zlotowski et son coscénariste Robin Campillo ne parviennent jamais à joindre les deux bouts dans ce qui devient un grand film malade. Grand par son ambition, malade par son déséquilibre ; la greffe ne prend pas.
Chimères
Métaphore autour du cinéma et de la montée de l’horreur nazie, "Planétarium" invoque les fantômes que sont les ombres et lumières de l’écran, tels des spectres. Ils annoncent les terribles chimères issues des camps à venir, elles-mêmes imprimées sur la pellicule quelques années plus tard, pour témoigner. Natan/Korben en est une lui-même. Au milieu de cette fusion laborieuse, le film immisce une passion amoureuse entre Laura Barlow (Natalie Portman) et André Korben (Emmanuel Salinger), alors qu’une relation équivoque lie les deux sœurs. Cela fait beaucoup pour un seul film. A courir plusieurs lièvres à la fois, on en perd la chasse.
Si le contexte historique compte dans "Planétarium", le film est à des années lumières d’un biopic et fait se chevaucher les époques. Jusqu’à créer un curieux anachronisme quand on entend dans un cabaret des années 30 interpréter "A Night in Tunisia" de Dizzy Gillespie, écrit en 1949, interprété par Les Doubles Six, groupe vocal français né en 1959. Volonté de brouiller les pistes ? Du moins un choix de mise en scène douteux. Natalie Portman et Lily-Rose Depp font le job, Emmanuel Salinger étant celui qui s’en tire le mieux, incarnant un alter ego de Bernard Natan des plus crédibles et passionnés. Un sérail de guest stars traverse le film : Amira Casar, Luis Garrel, Pierre salvadori, même David Bennent, dont on avait perdu la trace depuis "Le Tambour" (1979) et "Legend" (1985) : une bonne surprise. Compliqué, "Planatorium" n’a pas les moyens de ses ambitions, comme s’il visait une comète inatteignable.
LA FICHE
Drame de Rebecca Zlotowski (France) - Avec Natalie Portman, Lily-Rose Depp, Emmanuel Salinger, Amira Casar, Pierre Salvadori, Louis Garrel, David Bennent, Damien Chapelle - Durée : 1h48 - Sortie : 16 novembre 2016
Synopsis : Paris, fin des années 30. Kate et Laura Barlow, deux jeunes mediums américaines, finissent leur tournée mondiale par Paris. Fasciné par leur don, un célèbre producteur de cinéma, André Korben, les engage pour tourner dans un film follement ambitieux. Prise dans le tourbillon du cinéma, des expérimentations et des sentiments, cette nouvelle famille ne voit pas ce que l’Europe s’apprête à vivre.
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