"Prince of Texas" : un road movie intérieur, Ours d'argent à Berlin 2013
De David Gordon Green (Etats-Unis), avec : Emile Hirsch, Paul Rudd, Joyce Payne - 1h34 -Sortie : 30 octobre
Synopsis : Eté 1988, Texas. Alvin et Lance travaillent ensemble sur le marquage d’une route endommagée par un feu de forêt. Tandis que l’un profite des joies de la nature et des grands espaces, l’autre ne pense qu’aux fêtes et aux filles…
Route intérieure
Pur produit du cinéma indépendant américain, « Prince of Texas » est un film intimiste entièrement tourné en pleine nature. Ce paradoxe constitue la première bizarrerie d’une production qui s’avère être le remake de « Either Way », de l’islandais Hafsteinn Gunnar Sigurðsson, sorti en 2011, resté inédit en France. Pourtant, à sa vision, il en émane une sensation américaine profonde, par la teneur des deux personnages principaux, et leurs rares rencontres au cours de leur périple presque immobile.
On ne s’écarte jamais de cette route, ou si peu, même si Lance et Alvin s’absentent parfois pour rejoindre la plus proche bourgade, que l’on ne verra jamais. Le parcours effectué pour tracer les bandes médianes sur cette route dévastée, renvoie à celui qu’ils vont faire pour se comprendre, ce qui ne se fera pas sans mal. Lance est plus âgé qu’Alvin, c’est lui qui dirige les opérations, par vocation, pour profiter de la solitude au milieu de la nature, alors que son second, plus insouciant, vit cette mission comme une corvée. L’incommunicabilité est totale et les noms d’oiseau fusent, jusqu’à en venir aux mains. Pourtant un élément essentiel va déclencher leur rapprochement.
Virilité fragile
Sur cette route solitaire travaillent des frustrations chez Lance et Alvin. Le premier est en mal de sa fiancée qui, à force de lui reprocher de ne jamais être à ses côtés, le quittera. Le second, moins mature, est en manque d’expériences sexuelles et révélera, après moultes vantardises, ses fiascos et les « râteaux » qu’il s’est pris à la ville. C’est cette misère sentimentale et sexuelle qui va rapprocher les deux hommes. Au cours d’une mémorable beuverie, Lance et Alvin vont se détacher de leurs déboires avec les femmes et le travail qu’ils exécutent, en partant complètement en vrille pour mieux se retrouver. Aucune misogynie dans ce moment, ni d’homosexualité latente, mais la volonté de sortir d’un désespoir en se reconnaissant mutuellement, pour dépasser l’épreuve.
David Gordon Green fait passer ces rapports virils par la fragilité de ses protagonistes. Toute leur misère est en « off », Hors champ, suggérée dans une lettre, dans un récit oral, avec comme fil rouge la route. Mais aussi deux étranges rencontres, un camionneur, pur « red neck » pourvoyeur en alcool, et une vieille dame, qui a tout d’un fantôme, dont la maison a été détruite dans l’incendie forestier. Ces présences sont énigmatiques, jamais résolues. Aussi, le cinéaste joue pour beaucoup dans sa mise en scène de l’ellipse, pour mieux valoriser le psychologique, au milieu d’une nature magnifiquement filmée, paradoxe dont ce film atypique tire tout le suc.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.