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"Detroit" : Kathryn Bigelow universalise les émeutes raciales américaines de 1967

Les films de Kathryn Bigelow collent à l’actualité : "Démineurs" (2008) sur l’armée américaine à Bagdad, "Zero Dark Thirty" (2012) sur la traque de Ben Laden. Elle traite aujourd’hui des émeutes raciales de 1967 à Detroit, en les renvoyant à la question ethnique actuelle aux Etats-Unis, en Europe, dans le monde : un film essentiel.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
"Detroit" de Kathryn Bigelow
 (Mars Films)

La guerre

Juillet 1967 : Detroit. Une intervention de la police dans un speakeasy noir dégénère et provoque une flambée de violence dans la ville. Un groupe vocal se réfugie dans un hôtel d’où les forces de l’ordre proches entendent des coups de feu. Elles interviennent, pratiquant un interrogatoire musclé durant toute une nuit. Cinq jours d’émeutes s’ensuivront, faisant 45 morts et plus de 400 blessés.

Sèche, carrée, Bigelow filme comme en reportage, en alternance avec des plages plus narratives. Si les dialogues sont anecdotiques, le son propulse l’action. Kathryn Bigelow est une des rares réalisatrices de films d’action. Elle leur a toujours donné sens. La guerre est une constance de son œuvre : la guerre entre gangs ("Strange Days"), contre les humains quand on est vampire ("Les Frontières de l’aube"), en Irak, et aujourd’hui la répression policière américaine contre les noirs. Toujours la guerre.

Universel

Will Poulter ("Le Labyrinthe") incarne en osmose un jeune flic qui entraîne ses coéquipiers dans le massacre de trois personnes dans une bavure tragique. Des civils innocents, qui étaient là au mauvais endroit, au mauvais moment. Une folie persécutrice, ethnique, s'abat sur eux, pour s’étendre à toute une ville. Du coup, si Bigelow renvoie, via Detroit 1967, aux émeutes américaines récentes et aux positions de Donald Trump, elle fait aussi écho à l'exploitation politique des mouvements migratoires en Europe (Brexit, montée des populismes, radicalisations religieuses), et aux conflits africains, aux persécussions en Asie...

Will Poulter dans "Detroit" de Kathryn Bigelow
 (Mars Films)

Kathryn Bigelow respire son temps et le monde. Elle construit une fiction sur des faits historiques qui parlent du présent. Force dramatique, mise en images percutante, interprétation physique, rythme, participent d’un film bilan sur l’état du monde. Aucun doute que le film figurera aux prochains Oscars, comme "Démineurs" et "Zero Dark Thirty" en 2010 et 2012. Mais l’actualité ne doit pas ignorer la dramaturgie ni la mise en scène, où la réalisatrice affirme, au-delà de ses thèmes de prédilection, la constitution d’une œuvre.

"Detroit" de Kathryn Bigelow
 (2017 Concorde Filmverleih GmbH)

LA FICHE

Genre : Drame / Thtriller
Réalisateur : Kathryn Bigelow
Pays : Etats-Unis
Acteurs : John Boyega, Will Poulter, Algee Smith, Jacob Latimore, jason Mitchell,  Hannah Murray, Jack Reynor, Kaitlyn Dever
Durée : 2h23
Sortie : 11 octobre 2017
Interdit aux moins de 12 ans

Synopsis : Été 1967. Les États-Unis connaissent une vague d’émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam, vécue comme une intervention néocoloniale, et la ségrégation raciale nourrissent la contestation. À Detroit, alors que le climat est insurrectionnel depuis deux jours, des coups de feu sont entendus en pleine nuit à proximité d’une base de la Garde nationale. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel d’où semblent provenir les détonations. Bafouant toute procédure, les policiers soumettent une poignée de clients de l’hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux. Le bilan sera très lourd : trois hommes, non armés, seront abattus à bout portant, et plusieurs autres blessés…

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