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"Le Havre" : la palme du coeur

D’Aki Kaurismäki (Finlande/France), avec : André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Darroussin, Blondin Miguel, Jean-Pierre Léaud, Pierre Etaix - 1h38 - Sortie : 21 décembre
Article rédigé par franceinfo - Jacky Bornet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
André Wilms et Jean-Pierre Darroussin : "Le Havre"
 (Pyramide Distribution)

Marcel Marx, ex-écrivain, s’est exilé volontairement dans la ville portuaire du Havre. Il a fait le deuil de son ambition littéraire et mène sa vie dans le triangle constitué par le bistrot du coin, son travail et sa femme Arletty, quand le destin met sur son chemin un enfant immigré originaire d’Afrique noire. Avec la solidarité têtue des habitants de son quartier, il affronte l’étau de la police qui se resserre de plus en plus autour du jeune fugitif.
 

Venant régulièrement à Cannes depuis 1996, lauréat du Grand prix en 2002 pour "L’Homme sans passé", Aki Kaurismäki touche au cœur avec "Le Havre", son premier film en français, avec André Willms, Jean-Pierre Darroussin, et son égérie Kati Outinen. Chaudement accueilli au dernier festival de Cannes, le film a été salué par la plus longue salve d’applaudissements de toute la compétition.
 

Ancré dans la réalité très contemporaine de l’immigration clandestine en France, Le Havre brouille les époques. Censé se dérouler en 1980, si l’on en croit une vignette sur le pare-brise d’une voiture, cette dernière est une Renaud 16 des années 70 et l’on voit également une Peugeot 403, encore plus ancienne. Paradoxalement, l’on évoque à la télévision des images du démantèlement du campement sauvage de « la jungle » près du camp de Sangatte, et l’on entend le ministre de l’immigration de l’époque, Eric Besson, alors que les décors se réfèrent aux années 50 et que la profession du personnage principal est cireur de chaussure, une aujourd’hui disparue, du moins en France.
 

Sur un sujet réaliste, Kaurismäki s’échappe de tout naturalisme, sauf dans la situation décrite, dirigeant ses acteurs pour faire ressortir leur jeu, donnant l’impression d’assister à un petit théâtre que galvanise le filmage tout en plans fixes. Un choix de mise en scène qui participe de la grande réussite du film. Cette distanciation donne autant de force au message, jouant à merveille d’un second degré dans les dialogues d’une drôlerie constante.

Ce petit théâtre, imprégné d’une immense tendresse et d’humanisme, est en continuité avec le réalisme poétique français des années 30-40. Le choix de la ville n’est pas non plus un hasard, comme ville portuaire et ouvrière. Le groupe mythique havrais, Little Bob, fait de plus une superbe prestation, Kaurismäki gardant l’exhaustivité du superbe morceau interprété. Le cinéaste est toujours aussi rock’n’roll.

André Wilms et Kati Outinen dans "Le Havre" d'Aki Kaurismaki
 (Pyramide Distribution)

Idéalisant quelque peu la solidarité d’une communauté autour d’un petit garçon noir recherché par la police (excellent Darroussin en commissaire mal aimé qui montre sa solidarité), Aki Kaurismäki démontre que cette fraternité existe encore, et particulièrement en France, selon lui. Une parabole jubilatoire, résolument optimiste : un peu de soleil dans l'eau froide.

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