"Michael" : la pédophilie par un disciple de Haneke
Les cinq derniers mois de la vie commune forcée entre Wolfgang, 10 ans et Michael, 35 ans.
Portrait au scalpel
Autrichien, Markus Schleinzer signe son premier film avec Michael, après avoir travaillé 14 ans comme directeur de casting, notamment pour Michael Haneke. Une de ses plus belles contributions est ainsi d’avoir recruté le remarquable groupe d’enfants du Ruban blanc (Palme d’or en 2009) sur lequel il les a également coachés. Film difficile sur la pédophilie, en compétition à Cannes 2011, Michael reflète l’influence du grand cinéaste autrichien, dans son sujet et la forme, mais pas seulement.
Racontant les cinq derniers mois de la relation entre un adulte de 35 ans et un enfant de 10 qu’il séquestre dans sa cave, Michael est d’une esthétique glaciale. A l’image du rôle-titre, rond de cuir exemplaire, solitaire, ou presque. Markus Schleinzer prend le parti d’une mise en scène chirurgicale, sinon au scalpel, pour portraiturer son pédophile. Car tout se déroule de son point de vue.
L’on assiste à son quotidien : son travail dans une compagnie d’assurance, ses parcours en voiture, ses passages au supermarché, sa préparation des repas, et avec moult ellipses, les rapports qu’il entretient avec Wolfgang, 10 ans. Employé exemplaire, il reçoit de l’avancement, des collègues l’invitent à un séjour au ski, au cours duquel il séduit une tenancière de bar, la propreté de sa maison lui vaut les éloges d’une malencontreuse visiteuse inopportune… Markus Schleinzer filme la chronique d’un monstre ordinaire.
Dérangeant
Le malaise est d’autant plus grand. Mais la distance qu’installe le cinéaste n’est aucunement fascinatoire, ni voyeuriste. Il expose un cas, fictionnel, et démontre combien ces déviants sont fondus dans la masse. Invisibles. Indétectables. Tout comme les pires des tueurs en série, d’ailleurs.
Markus Schleinzer ne surfe pas sur un sujet d’actualité qui régulièrement fait la Une, mais ausculte, pose les bonnes questions par rapport à ce fait de société, sans jamais y répondre. Le plus ignoble est ainsi la banalisation avec laquelle Michael intègre le fait d’incarcérer un enfant de 10 ans pour en faire son objet sexuel, comme un sex toy. Ses mœurs s’instaurent comme sa norme, donc une normalité, parmi d’autres.
La conclusion du film est particulièrement forte, laissant ouverte une fin qui met en perspective une autre histoire, celle de la révélation du secret. C’est la première fois que le sujet fait l’objet d’un film aussi réaliste, sinon naturaliste. En 2007, la Quinzaine des réalisateurs avait sélectionné Zoo, sur la zoophilie. Le sujet est tellement tabou que le film ne fut jamais distribué en France et sans doute peu à travers le monde. Il n’en est pas de même de Michael, qu’il faut voir absolument.
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