"Miss Bala" : beauté volée
Synopsis : Dans un Mexique dominé par le crime organisé et la corruption, Laura et son amie Uzu s’inscrivent à un concours de "Miss Beauté" à Tijuana. Le soir, Laura est témoin d’un règlement de compte violent dans une discothèque, et y échappe par miracle. Sans nouvelle d’Uzu, elle se rend le lendemain au poste de police, pour demander de l’aide. Mais elle est alors livrée directement à Nino, le chef du cartel de narcotrafiquants, responsable de la fusillade. Kidnappée, et sous la menace, Laura va être obligée de rendre quelques "services" dangereux pour rester en vie.
Midinette manipulée
Avec un business générant 35 milliards de dollars par an et 35 000 personnes tuées depuis 2000, les cartels de la drogue ont fait du Mexique un des pays les plus dangereux et corrompus du monde. Si le sujet a déjà fait l’objet de films, il n’a jamais été traité comme le fait Gerardo Naranjo dans « Miss Bala ». Mexicain, il l’aborde de front, tirant son film vers le haut, en l’extirpant du simple thriller grâce à un scénario au cordeau, une mise en scène hors du commun et une interprétation de premier ordre.
« Miss Bala », c’est d’abord le portrait d’une midinette qui rêve de concours de beauté et se trouve projetée dans la guerre des gangs, la répression policière, la manipulation. La première partie de l’équation n’est pas qu’un simple motif, car Gerardo Naranjo met le corps au centre de son film. Laura (impressionnante Stéphanie Sigman) veut sortir de sa condition sociale grâce à son corps en devenant une reine de beauté. Tombée entre les mains d’un chef de gang, celui-ci va utiliser son corps pour faire passer une grosse somme d’argent entre les mailles policières, en la ceinturant autour de la taille de Laura. Son corps, encore, violé, assouvira une dernière pulsion de son dominateur.
Le corps chosifié
Laura est « trimballée » dans tous les sens, trainée, projetée, tripotée… Elle est réduite à un objet, dénuée de toute personnalité, un vecteur qui pourrait permettre à son tortionnaire de sortir du mauvais pas dans lequel il s’est fourré. Pour signifier son propos, Gerardo Naranjo morcelle les corps à l’image dans des cadrages atypiques, étranges, qui coupent les têtes, les troncs, les jambes…
Laura est manipulée dans sa chair pour atteindre son esprit, la corrompre, le chef de gang ayant le pouvoir de lui faire gagner le concours dans lequel elle brigue la première place, si elle se soumet à ses ordres. Mais a-t-elle le choix ? Il y a longtemps que non. Pauvre, corrompue, violentée, stigmatisée et incapable de s’émanciper d’une conjoncture imposée, Laura personnifie le Mexique d’aujourd’hui auquel ces attributs sont applicables. Nerveux, violent, sans concession, aux rebondissements multiples, « Miss Bala » est au croisement du film d’auteur et du film de genre, en revendiquant un état des lieux du Mexique traumatique autant qu’alarmiste.
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