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"Nos années folles" : Téchiné revient sur l'incroyable histoire d'un travesti déserteur de 14

Un nouveau film d’André Téchiné ("Rendez-vous", "Hôtel des Amériques", "Les Roseaux sauvages"…) est toujours un événement. Cinéaste des sentiments, lui-même délicat dans son approche des rapports homme-femme et de la naissance des émotions, il aborde avec "Nos années folles" l’histoire vraie d’un déserteur de 14, travesti pour échapper à l'autorité, prisonnier de son personnage.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Pierre Deladonchamps et Céline Sallette dans "Nos années folles" d'André Téchiné
 (ARP Sélection )

Entre-deux

Projeté à Cannes hors compétition lors d’une soirée hommage en présence des actrices qui ont défilé dans ses films (Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Nicole Garcia, Carole Bouquet, Emmanuelle Béart…), "Nos années folles" arrive en toute logique dans la filmographie des plus cohérentes d’André Téchiné. Comme Chabrol, le cinéaste aime raconter des histoires de femmes. Si dans son nouveau film, elle est importante, c’est toutefois un homme se faisant passer pour une femme qui est au centre. Un entre-deux, générateur d’une personnalité double. Une dualité que l’on trouve déclinée à différentes strates du film, jusqu’au tragique.
Scénariste de ses films, André Téchiné s’est déjà inspiré de romans ("Impardonnables" d’après Philippe Djan) ou de faits divers ("La Fille du RER"). Il s’agit des deux dans "Nos années folles" qui adapte "La Garçonne et l’assassin", de Fabrice Virgili et Danièle Voldman (Petite biblio Payot) qui raconte "l’histoire de Louise et Paul, déserteur travesti, dans le Paris des années folles". Etrange histoire, fait divers de l’Histoire, au moment où la civilisation occidentale bascule, avec des répercutions internationales toujours vives. Petite histoire et grande Histoire constituent la pierre d’angle de bien des ambivalences dans "Nos années folles".

Reportage : D. Wolfromm / E. Cornet / F. Blevis / J. Pires

Double sens

Ambivalence de Paul (Pierre Deladonchamps) qui devient Suzanne, de Louise sa compagne (Céline Sallette) qui l’initie au transvestisme, de la confusion des genres qu’il en résulte, de la fiction et de la réalité quand Paul interprète sa propre histoire pour un show de cabaret…  L’interprétation dans la fiction (le cabaret) de la véritable histoire de Paul guide la principale idée de mise en scène du film. Elle suit cette confusion où l’on ne sait plus trop si l’on se trouve sur scène ou dans une reconstitution "réaliste" du vécu de Paul/Suzanne. Les artifices de mise en images, dans l’utilisation de décors visiblement de studio, de l’usage de "transparences" (surimpression de prises de vues réelles sur fonds filmés) - outils ancestraux du cinéma - participent de la forme et du fond de façon élégante et justifiée, pour toujours aller dans le sens du double.
Pierre Deladonchamps  dans "Nos années folles" d'André Téchiné
 (ARP Sélection )
Avec la résurgence d’une histoire peu connue des années 1914-1928, André Téchiné qui, pour la première fois, remonte aussi loin dans le passé avec une reconstitution historique, offre une fiction non seulement cohérente avec ses thèmes de prédilection, mais avec un romanesque à toute épreuve. Ses acteurs choisis sont à leur place et investis dans un projet ambitieux et parlant, en phase avec le présent, selon une belle cinématographie. Téchiné touche juste, émeut et éclaire notre lanterne. Brillant.
"Nos années folles" : l'affiche
 (ARP Sélection )

LA FICHE

Genre : Drame
Réalisateur : André Téchiné
Pays : France
Acteurs : Pierre Deladonchamps, Céline Sallette, Grégoire Leprince-Ringuet, Michel Fau, Virginie Pradal, Mama Prassinos 
Durée : 1h43

Synopsis : La véritable histoire de Paul qui, après deux années au front, se mutile et déserte. Pour le cacher, son épouse Louise le travestit en femme. Dans le Paris des Années Folles, il devient Suzanne. En 1925, enfin amnistié, possédée par son rôle, Suzanne tentera de redevenir Paul…

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