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"Un homme intègre" : drame de la corruption ordinaire en Iran par un cinéaste assigné à résidence

Cinéaste iranien indépendant, lauréat du prix Un certain regard au Festival de Cannes pour "Un homme intègre", Mohammad Rasoulof est interdit de circuler et de travailler dans son pays. Il encourt 6 ans de prison pour "atteinte à la sécurité" et "propagande contre le régime iranien". Son film relate la confrontation d’un citoyen à la corruption, comme "Léviathan" du Russe Andreï Zviaguintsev.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Reza Akhlaghirad et Soudabeh Beizaee dans "Un homme intègre" de Mohammad Rasoulof
 (ARP Sélection )

D’après une histoire vraie

Le choix du sujet de Mohammad Rasoulof pour "Un homme intègre" résulte d’une expérience personnelle. Il subit un contrôle policier de routine qui se conclut par une demande de pot de vin, puis un séjour en prison après son dépôt de plainte, preuves à l’appui, contre ses cerbères… Ce type de corruption serait généralisé en Iran. La pratique ne se limite pas à ce pays, loin s’en faut, elle est partout. Mais la dénoncer dans un pays dirigé par la charia (lois déduites du Coran), donc à haute teneur morale, ne peut que déranger l’Etat. Même si celui-ci se moque de la diffusion de tels films, tant que ce n’est pas dans ses frontières intérieures.
On aimerait voir un tel sujet traité en Europe, par rapport à l’influence des lobbys dans le Parlement français ou européen par exemple… Dans "Léviathan" Andreï Zviaguintsev dénonçait la corruption d’un maire russe pour s’approprier la maison d’un garagiste. Dans "Un homme intègre", il s’agit d’une compagnie des eaux qui cherche à déloger un pisciculteur gênant. Mais Mohammad Rasoulof va au-delà de la corruption simple en interrogeant ses conséquences dans la vie d’un couple et la réponse à y donner.

Philosophie

Cette corruption, manipulation externe, va corrompre la vie de couple de Reza et Hadis et de leur jeune fils. Elle va gâcher leur vie, les enjoindre à se disputer, alors qu’ils s’aiment et suivent une conduite morale. Mais la pression est telle que Reza, mis en doute par son épouse - directrice d’école -, pour s’en sortir, va devoir appliquer les méthodes-mêmes de ses opposants pour les contrer. En ce sens "Un homme intègre", au-delà de la question sociétale qu’il pose, atteint le philosophique : peut-on faire usage des méthodes de ses ennemis pour les contrer ? Un sujet du Bac : vous avez quatre heures…
Reza Akhlaghirad dans "Un homme intègre" de Mohammad Rasoulof
 (ARP Sélection )
Mohammad Rasoulof, au-delà de son sujet, ne néglige pas la miser en scène, avec une économie de moyens qui est tout à son honneur. Le film est âpre, certes, mais recèle une poésie dans ses images, un sens du récit qui privilégie l’ellipse, donc la participation du spectateur, ce qui lui permet également de ne pas "trop" froisser les censeurs en évitant d’être explicite. Mohammad Rasoulof fait preuve de courage avec "Un homme intègre", ce qui lui vaut aujourd’hui d’être privé de liberté dans ses déplacements et son travail de cinéaste, en raison de sa propre intégrité. Poignant.

Vous pouvez signer la pétition en faveur de Mohammad Rasoulof par ce lien
"Un homme intègre" : l'affiche
 (ARP Sélection )

LA FICHE

Genre : Drame
Réalisateur : Mohammad Rasoulof 
Pays : Iran
Acteurs : Reza Akhlaghirad, Soudabeh Beizaee, Nasim Adabi, Massagh Zareh, Zeinab Shabani, Zhila Shahi
Durée : ​1h58
Sortie : 6 décembre 2017

Synopsis : Reza, installé en pleine nature avec sa femme et son fils, mène une vie retirée et se consacre à l’élevage de poissons d’eau douce. Une compagnie privée qui a des visées sur son terrain est prête à tout pour le contraindre à vendre.
Mais peut-on lutter contre la corruption sans se salir les mains ?

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