"Villegas" : ne pleure pas pour moi Argentina
De Gonzalo Tobal (Argentine/France/pays-Bas), avec : Esteban Lamothe, Esteban Bigliardi, Mauricio Minetti - 1h36 - Sortie : 7 novembre
Synopsis : Esteban et Pipa, deux cousins autrefois inséparables, se rendent à l’enterrement de leur grand-père à Villegas, le village où ils ont passé leur enfance. Les deux trentenaires affrontent pour la dernière fois leur passé et vont devoir apprendre à grandir, entre tensions et complicité.
Sur la route
Les deux cousins de « Villegas » se retrouvent après ce qui semble être une longue absence, autour d’un retour vers le passé, leur passé, quand ils étaient inséparables, suscité par l’enterrement du grand-père. L’ouverture du film, sa première partie, s’identifie à un road movie, dont la majeure partie se déroule la nuit. Il s’agit bien d’un retour en arrière qu’ils effectuent, un retour sur eux-mêmes, alors qu’ils ont bien changé. L’un est musicien sans carrière, un rien bohême, l’autre jeune cadre sur le point de se marier, de se ranger.
Si le film n’est pas une comédie, leurs retrouvailles rappellent la reconstitution du duo du Clown blanc et de l’Auguste. Le pile et le face d’une même pièce qui, au final, vont se retrouver inversés. Gonzalo Tobal parvient de fait à dresser un beau double portrait psychologique, tout en verve, alimenté par une progression narrative bien rythmé et réaliste, non sans moins d’humour et de sensibilité. Avec en toile de fond une Argentine omniprésente, dans les paysages, et incarnée par la réunion familiale autour des funérailles de l’ancêtre.
Transfiguration intime
Estban est l’instigateur de ces retrouvailles, et Pipa, le suiveur. Mais c’est ce dernier qui va prendre le dessus, par le charme, la séduction spontanée qu’il inspire. Comme quand il convainc son cousin de s’arrêter dans un restaurant dans lequel ils avaient l’habitude de déjeuner du temps de leur jeunesse et où il va tout de suite séduire la serveuse. Arrivés à Villegas, Pipa va tenir la vedette, mettant dans l’ombre Esteban, mais c’est lui qui va retrouver un amour de jeunesse, en tombant tout de suite dans ses bras, comme pour réaliser un vieux fantasme, avant de se marier.
Pipa, lui, retrouve aussi un amour de jeunesse, mais ne veut pas l’assouvir, au terme d’une visite nocturne, très nostalgique, dans la maison du grand-père, où rien n’a bougé d’un poil. Urbain, vivant à Buenos-Aires, il est prêt à succomber à la proposition de son père de reprendre la propriété agricole familiale. Pour signifier son introspection à ce sujet, Gonzalo Tobal effectue un panoramique à 360 degré dans la cour de la ferme, qui renvoie explicitement à un même plan tourné par Jean-Luc Godard dans « Week-end » qui signifiait la contemplation de la vie d’avant. Beau clin d’œil.
Cette progression du récit, en phase avec la psychologie évolutive des personnages, se retrouve dans la photographie, embuée d’une dominante jaunâtre qui s’éclaircie au fil du film. Grâce à la chaleur de la réunion familiale, pour aboutir à la très belle scène où les deux cousins se retrouvent dans le silo à blé, comme s’ils baignaient dans le produit de la Terre, donc de la famille, voire du pays, pour s’en trouver transformés, transfigurés, ressourcés. Ce que confirmera la scène suivante, où Pipa retrouve la serveuse du début et Esteban sa future épouse pour une énième fois au téléphone, après l’avoir trompée. Tous deux auront effectué un chemin l’un vers l’autre, un rapprochement entre liberté et rangement qui semble refléter le paradoxe de la société argentine. Un beau premier film maîtrisé et sensible.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.