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Richard Berry revisite l'affaire Halimi dans "Tout, tout de suite"

Après le film d'Alexandre Arcady en 2014, "24 jours", une couverture médiatique pléthorique, une dizaine d'ouvrages et de documentaires, Richard Berry, réalisateur, acteur et coscénariste, signe "Tout, tout de suite" sur l'affaire Halimi remontant à 2006. Il prend le point de vue des kidnappeurs et assassins de ce jeune juif enlevé pour une rançon, surnommés le gang des barbares.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Richard Berry dans "Tout, tout de suite"
 (Céline Nieszawer)

L'origine du mal

Alexandre Arcady prenait l'angle de la famille d'Ilan Halimi, sa mère et ses sœurs, pour traiter de l'affaire, dans "24 jours", sur un scénario original. Richard Berry se substitue au regard du gang des barbares et de son leader, Youssouf Fofana, d'après le livre de Morgan Sportès. Deux approches très différentes, une mini-polémique éclatant à ce sujet. Arcady s'est dit "effaré" à la lecture du scénario coécrit par Berry. Ce dernier lui a répondu avoir "l'impression qu'une approche plus détachée de ce sentimentalisme-là amène plus de réaction, de réactivité et de réflexion. Ca n'empêche pas l'émotion, au contraire", a-t-il rétorqué.

Reportage : E. Cornet, D. Bassompierre, J. Vidal
Revenant sur les précédents traitements de l'affaire Halimi, Richard Berry avance que "ce qui a été fait est généralement truffé de contre-vérité et va trop vite ; ça ne s'intéresse pas du tout à ceux qui sont à l'origine du mal". Dans ce sens, il ajoute s'être "contraint à assumer cette réalité, aussi hideuse soit-elle". Celle du kidnapping d'un jeune juif, présupposé riche ou protégé par sa communauté, enfermé et torturé durant 24 jours, pour être abandonné mortellement blessé sur le bord d'une ligne de chemin de fer de l'Essonne, avant de mourir.

Quête de vérité

En montage alterné avec la description au scalpel du martyr subi par Ilan Halimi, Berry expose les auditions de ses bourreaux par la police, comme autant d'indices de préjugés antisémites, de frustrations multiples et d'une bêtise abyssale. Comme le révèle cet échange entre un policier et un membre du gang : "Pourquoi avoir tailladé le visage de la victime au cutter ?", demande un enquêteur. Le jeune homme répond qu'"il avait d'abord été convenu d'acheter du faux sang dans un magasin de farces et attrapes, afin de prendre une photo macabre, "mais on n'a pas trouvé de faux sang dans le magasin". "Pourquoi ne pas avoir pris du ketchup ?", interroge le policier. "Parce qu'on trouve pas de ketchup dans le magasin de farces et attrapes".

Richard Berry se targue d'avoir lu tous les procès verbaux du dossier et de s'être entretenu avec le père de la victime qu'il interprète dans son film. "Je me suis focalisé sur la vérité. Je voulais absolument que le film évoque et résonne comme quelque chose de vrai, aussi bien dans les faits que je relate que dans la façon de le traiter", plaide Richard  Berry. Quitte à ce que ses protagonistes recouvrent "une part d'humanité, ce qui n'enlève rien à l'horreur : expliquer, ce n'est pas pardonner". Un parti-pris dangereux quant à la réception du film, si l'on se souvient des critiques émises à l'égard de "La Chute", sur les derniers jours d'Hitler, à propos des rares traces d'humanité prêtées au Führer, notamment à l'égard de son chien.

Au réalisme de la mise en scène s'ajoute une sévère critique du travail de la police - largement soulevée lors des deux procès du gang -, présentée comme négligente. "Le père d'Ilan m'a raconté la culpabilité, le regret qu'il a de ne pas avoir été plus en révolte contre la police", tranche le réalisateur. 

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