Romain Duris à la recherche de sa fille, enlevée par sa mère japonaise, dans "Une part manquante", troisième film de Guillaume Senez

Le réalisateur franco-belge Guillaume Senez met en scène un drame qui touche de nombreux parents japonais et étrangers au pays du Soleil-Levant.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Mei Cirne-Masuki et Romain Duris dans le film de Guillaume Senez, "Une part manquante", au cinéma le 13 novembre 2024. (LES FILMS PELLEAS / VERSUS PRODUCTION)

Après avoir raconté la parentalité d'un très jeune couple dans Keeper en 2015, puis celle d'un père solo dans Nos batailles en 2018, le réalisateur belge Guillaume Senez aborde une nouvelle fois cette question à travers l'histoire d'un père installé à Tokyo pour retrouver sa fille Lily, qu'il n'a pas vue depuis près de dix ans. Une part manquante sort dans les salles le 13 novembre 2024.

Jérôme, "Jay", la quarantaine, chauffeur de taxi à Tokyo, s'apprête à rentrer en France après avoir cherché en vain sa fille Lily, pendant près de dix ans. Il doit signer la vente de sa maison quand soudain, une jeune fille qui ressemble beaucoup à sa fille, entre dans son taxi, une jambe dans le plâtre.

Troublé, il découvre quelques jours plus tard que son intuition était juste. Il s'agit bien de Lily, 12 ans, qu'il n'a pas vue depuis sa séparation avec sa mère japonaise, neuf ans plus tôt. Ne voulant pas brusquer les choses, Jay s'arrange pour remplacer le chauffeur qui s'occupe habituellement d'accompagner Lily en taxi à l'école et profite des trajets pour se rapprocher d'elle.

Les enfants "volés" du Japon

Avec ce troisième long-métrage, Guillaume Senez aborde le sujet des "enfants volés" du Japon, que l'écrivain Olivier Adam avait déjà fictionné dans son roman Tout peut s'oublier, publié en 2021 aux éditions Flammarion. De quoi s'agit-il ? Dans ce pays, jusque très récemment, la garde partagée n'est pas une option légale. La garde revient à celui qui s'empare en premier des enfants. Cette législation incite de nombreux parents séparés ou divorcés à enlever leurs enfants. Selon les associations, 150 000 mineurs seraient ainsi "enlevés" chaque année. Le phénomène touche les parents japonais, et se complique encore quand l'un des parents est étranger. Depuis, la loi a changé au Japon, et la garde partagée est désormais possible.

Guillaume Senez confie à franceinfo avoir découvert ce phénomène avec Romain Duris, en discutant avec des expatriés lors de la présentation au Japon de son film précédent, Nos batailles. "Ça nous a touchés. On a été émus par ces histoires. Et il y avait comme une espèce d'évidence, presque une espèce de continuité par rapport à Nos batailles", se souvient Guillaume Senez, qui cherchait un sujet pour un nouveau projet de film avec Romain Duris.

Ce sujet d'actualité lui permet de creuser son thème, la parentalité, qu'il aborde depuis ses débuts. Une part manquante, presque un miroir inversé du film Nos batailles, un trop-plein dans l'un, une "part manquante" dans l'autre. Le film Nos batailles racontait le quotidien d'un père solo débordé par la gestion du quotidien. Une part manquante raconte le vide laissé par l'absence d'un enfant.

À travers cette histoire, c'est aussi celle d'un Français en terre étrangère qui est racontée. "On aurait pu filmer un personnage qui vient de Centrafrique ou des pays de l'Est et qui émigre en France, qui essaie de s'intégrer, de devenir plus français que les Français, mais qui finit quand même par se faire expulser. Mais on a déjà beaucoup vu des films comme ça. Je me suis dit montrons l'inverse. Montrons un Français qui est un migrant, et montrons que c'est compliqué aussi."

Mise en scène focalisée sur le jeu des acteurs

On retrouve la sobriété dans la mise en scène du réalisateur belge, la ville de Tokyo filmée en arrière-plan, en mouvement, à travers les vitres du taxi de Jay. On retrouve aussi sa manière efficace de diriger ses acteurs. Romain Duris, comme un poisson dans l'eau dans les rues de Tokyo, lâchant son Japonais avec un naturel désarmant, nous touche par l'interprétation sensible de ce père débordé par des émotions qu'il doit retenir pour ne pas laisser échapper ses chances de retrouvailles avec sa fille.

Si le film reste focalisé sur le personnage principal, le réalisateur complète le tableau de ce phénomène de société avec les histoires des différents personnages secondaires. Comme le père japonais au bord du suicide, ou Jessica, incarnée par une Judith Chemla surprenante, ses parents fraîchement privés de leurs enfants, nous font comprendre les premières années de colère et de désespoir de Jay.

Avec Une part manquante, Guillaume Senez nourrit une œuvre très personnelle, centrée sur des histoires intimes autour de la question de la famille, inscrites dans une peinture plus large de la société et du monde. À suivre.

Affiche du film de Guillaume Senez, "Une part manquante", au cinéma le 13 novembre 2024. (HAUT ET COURT)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Guillaume Senez
Acteurs : Romain Duris, Judith Chemla, Mei Cirne-Masuki
Pays :
Belgique, France, Japon
Durée : 1h38
Sortie : 13 novembre 2024
Distributeur : Haut et Court
Synopsis : Tous les jours, Jay parcourt Tokyo au volant de son taxi à la recherche de sa fille, Lily. Séparé depuis neuf ans, il n'a jamais pu obtenir sa garde. Alors qu'il a cessé d'espérer la revoir et qu'il s'apprête à rentrer en France, Lily entre dans son taxi…

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