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"Saint Laurent" : un deuxième biopic entre deux eaux

L'accueil par la presse cannoise de l'attendu "Saint Laurent" de Bertrand Bonello ("L'Apollonide") a été d'un froid glacial. Deuxième biopic autour du créateur de mode après celui de Jalil Lespert avec Pierre Niney et Guillaume Gallienne, sorti en janvier, cette nouvelle approche, plus "arty" et plus longue, 2h30, n'a guère convaincue. Mais avec le recul les choses semblent s'être arrangées...
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Gaspard Ulliel dans "Saint-Laurent" de Bertrand Bonello
 (2014 Mandarin Cinéma – Europacorp – Orange Studio – Arte France Cinéma – Scope Pictures / Carole Bethuel)
La note Culturebox
3 / 5                  ★★★☆☆

De Bertrand Bonello (France), avec : Gaspard Ulliel, Jérémie Renier, Léa Seydoux, Louis Garrel, Amira Casar, Helmut Berger - 2h30 - Sortie : 24 septembre 2014
Synopsis : Un biopic centré sur la période 1965-76 de la vie du célèbre styliste. La rencontre de l'un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre. Aucun des deux n’en sortira intact.
Apogée et excès
Habitué du Festival, Bertrand Bonello a déjà fait quatre fois le voyage à Cannes, où en 2003 il était en compétition officielle avec "Tiresia", et en 2012 avec "L'Apollonide (Souvenirs d'une maison close)". Dans son "Saint Laurent", le cinéaste a une approche plus resserrée que Jalil Lespert, qui couvrait le parcours du créateur depuis ses premières années en Algérie, jusqu'à sa mort. Cette nouvelle mouture s'arrête sur la période 1967-1976, une dizaine d'années qui constitue sans doute l'apogée du créateur par l'imposition d'une nouvelle approche de la mode.

Mais c'est aussi l'ère de tous les excès. Bête de travail, Saint Laurent (convaincant Gaspard Ulliel) compensait l'énergie déversée dans ses créations par l'alcool, les drogues, le sexe, le "nightclubbing", la collectionnite…  Si tous les biographes s'accordent sur ce point, provoquant de graves troubles chez le styliste, Bertrand Bonello a tendance à charger la barque, en y revenant sans cesse, au détriment du processus de création ayant conduit Saint Laurent à révolutionner la mode. La relation Yves Saint Laurent-Pierre Bergé (méconnaissable Jérémie Renier) est plus éludée que chez Lespert, au profit de sa passion pour Jacques de Bascher (Louis Garrel). Par contre la dimension d'homme d'affaires chez Bergé est creusée lors d'une longue scène ou il bataille avec des associés américains. Il y a d'ailleurs nombre de séquences interminables dans le film.
Gaspard Ulliel dans "Saint-Laurent" de Bertrand Bonello
 (© 2014 Mandarin Cinéma – Europacorp – Orange Studio – Arte France Cinéma – Scope Pictures / Carole Bethuel)
Temporalité syncopée
Bertrand Bonello complexifie sa narration en mélangeant chronologie et une temporalité syncopée, passant du présent au futur pour revenir au passé. Une figure de style séduisante, que Clint Eastwood maîtrisait avec brio dans "Bird", son biopic sur Charlie Parker, mais qui ici relève plus de la préciosité. Portrait d'esthète et d'un dandy, l'on ne sent guère cette interférence entre les arts plastiques, la musique et ses créations. Quand il expose ses projets de décoration pour l'appartement qu'il partagera avec Pierre Bergé, l'on pense à une de ces émissions de décoration à succès sur les chaînes de télévision. Warhol, Mondrian, Rothko, Callas, le Velvet underground sont notamment cités, mais sans le sens profond de leur influence sur son œuvre.

Il y a pourtant le potentiel d'une véritable quête du beau dans la matière filmique. Mais elle est diluée notamment dans une faute de rythme, du à un montage qui n'a pas su élaguer là où il fallait, surtout sur la durée des scènes. Les excès de Saint-Laurent prennent trop de place au détriment d'autres aspects du personnage, alors que la dernière scène de défilé est interminable. Une bonne surprise : la présence d'Helmut Berger pour incarner Saint Laurent âgé, dans une composition remarquable. 

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