Cet article date de plus de deux ans.

"She Said" : les origines de l’affaire Weinstein et de MeToo dans un film en demi-teinte

Toujours réactif, le cinéma américain nous rappelle les faits à l’origine de la prise de conscience des violences faites aux femmes, à partir de l’affaire ayant fait sombrer un des plus grands magnats d’Hollywood en 2017.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Zoe Kazan et Carey Mulligan dans "She Said" 
 (2022 UNIVERSAL STUDIO All Right Reserved)

Réalisatrice de I’m your Man, sur l’idéalisation par une femme de sa relation avec un homme, Maria Schrader en aborde dans son nouveau film la face la plus sombre, dans le sexisme et le harcèlement sexuel pouvant aller jusqu’au viol. Révélatrice des "promotions canapé" vieille comme le monde, l’affaire Weinstein est décortiquée dans She Said, qui sort mercredi 23 novembre. Elle est racontée par les deux journalistes à l’origine de l’article du New York Times qui a mis le feu aux poudres.

Les femmes du président

En 2017, la reporter Megan Twohey sort d’une enquête sur les rapports qu'entretenait Donald Trump avec les femmes. Elle entraîne avec elle une autre journaliste, Jodi Kantor, qui vient de suivre pendant huit ans le couple Obama, dans une enquête sur les rapports hommes-femmes à Hollywood. Elles tombent sur le cas Harvey Weinstein qui, depuis les années 2000, fait la pluie et le beau temps dans l’usine à rêves, et est réputé avoir la main leste. Leur article, prix Pulitzer, entraînera une révolution de civilisation toujours en cours.

On aurait aimé un peu plus de féminité, voire de féminisme, dans cette enquête qui rappelle dans la forme Les Hommes du président d’Alan J. Pakula (1976), film plutôt viril. Spotlight (Tom McCarthy, 2015) sur l’enquête ayant révélé les abus sexuels dans l’Eglise catholique américaine, en était plus distant. Focalisé sur Megan Twohey (Carey Mulligan) et Jodi Kantor (Zoe Kazan), She Said développe plus leurs échanges sur l’évolution de leurs investigations dans un contexte explosif, que les drames vécus par les victimes.

Travail journalistique

Qui dit échanges, dit dialogues et de ce point de vue, She Said parle beaucoup. La dramaturgie s’en ressent, et les rebondissements manquent d’impact. Film urbain, ses décors sont essentiellement les bureaux, rédaction et lieux de réunion du New York Times, ce qui imprègne le film de claustrophobie. Maria Schrader filme toutefois l’enquête sans oublier les événements contemporains, comme le lancement de #BeBrave, par l'actrice Rose McGowan le 5 octobre 2017 pour dénoncer les pratiques sexistes dans "l'industrie", comme on dénomme les grands studios aux Etats-Unis. 

Sans demander à Maria Schrader un thriller érotique sur un tel sujet, She Said manque de relance. L’omerta autour de Weinstein aurait pu être creusée, dans ce film très prolixe où tout le monde se tait. Le film expose plus un travail journalistique - sujet récurrent du cinéma américain -, qu’il ne dénonce le sexisme. Comment l’élaboration d’un article de presse va-t-elle engendrer une prise de conscience civilisationnelle ? Beau sujet et belle ambition, à laquelle il manque dans She Said un peu d’air et de dramaturgie.

L'affiche de "She Said" de Maria Shrader (2022). (UNIVERSAL PICTURES INTERNATIONAL FRANCE)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Maria Schrader
Acteurs : Carey Mulligan, Zoe Kazan, Patricia Clarkson, Samantha Morton, Andre Braugher, Jennifer Ehle, Ashley Judd
Pays : Etats-Unis
Durée : 2h09
Sortie : 23 novembre 2022
Distributeur : Le Pacte

Synopsis : Deux journalistes du New York Times, Megan Twohey et Jodi Kantor, ont de concert mis en lumière un des scandales les plus importants de leur génération. À l’origine du mouvement #Metoo leur investigation a brisé des décennies de silence autour du problème des agressions sexuelles dans le milieu du cinéma hollywoodien, changeant à jamais la société américaine et le monde de la culture.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.