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"Sieranevada", un huis clos roumain étouffant et passionnant

Premier film en compétition projeté à Cannes cette année, "Sieranevada", du roumain Cristi Puiu, s'est avéré être le plus long de la sélection. Pendant trois heures, le cadre ne quitte quasiment jamais les quelques pièces d'un petit appartement roumain de Bucarest où une famille très nombreuse vient commémorer la mort du père. Une catharsis très bavarde à la fois passionnante et trop longue.
Article rédigé par franceinfo - Jean-François Lixon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une image "Sieranevada" 
 (Wild Bunch Distribution)

Plans séquences

Il y a du Cassavetes de "Faces" ou de "Shadows" dans ce "Sieranevada" que propose Cristi Puiu. Comme le maître américain, il nous intéresse à l'intimité d'un groupe, une famille plutôt nombreuse réunie pour fêter, comme le veut la religion orthodoxe, le 40e jour après la mort du père de famille, Emil. Comme chez Cassavetes, l'image n'est pas fixe, elle vogue, se permettant des allers et retours, des mouvements liés à ceux des personnages, en plans séquences.

Pendant plusieurs dizaines de minutes, la caméra ne quitte pas l'étroit couloir où débouchent toutes les pièces d'un très modeste appartement. Il s'en suit un sentiment étrange d'aquarium où les personnages, comme des poissons tournant en rond, passent et repassent selon une logique parfois incompréhensible.

Comme un membre de la famille

Le spectateur assiste, comme un membre supplémentaire de la cellule familiale, à des règlements de comptes, des discussions à n'en plus finir sur la théorie du complot autour du 11 septembre 2001 ; du lavage de linge très sale en famille qui oppose la grand-mère - restée farouchement pro Ceaucescu - à sa petite-fille qui lui rappelle les prisons et les assassinats politiques (tout en évoquant "Marx, Trotszky et les autres youpins notoires").

Le plongeon dans cette famille est assez rude. Le spectateur commence par être un peu perdu, ne connaissant pas les liens précis, qui est le frère de qui, la mère de qui, la fille de qui... Mais peu à peu, comme une brume se lève, la situation se clarifie, mais pas les embrouilles. L'action se déroule quasiment en temps réel, et le film durant presque trois heures, la célébration de la mort du père, juste après le noël orthodoxe, devient le prétexte à une véritable catharsis familiale.

Sieranevada
 (Wild Bunch Distribution)

Des longueurs

Le film de Cristi Puiu n'est pas sans rapeller le récent "Illégitime" de son compatriote Adrian Sitanu, où un autre repas de famille révélait aussi les différends entre un père et ses enfants. Décidément, "Festen" (1998) de Thomas Vinterberg a fait des petits.  Si le film est réussi, cette plongée en apnée au cœur d'une famille inconnue, dans un pays mal connu et dont la langue nous échappe mériterait pourtant d'être raccourcie de trois bons quarts d'heure. Il ne gagnerait sans doute pas en clarté, mais éviterait quelques moments tirant en longueur. Quant à savoir pourquoi son titre est "Sieranevada", sauf à avoir manqué une réplique, impossible de dissiper le mystère !

"Sieranevada" : l'affiche fraçaise
 (Wild Bunch Distribution)

LA FICHE

Drame de Cristi Piu (Roumanie/France/Bosnie/Croatie/Macédoine) - Avec : Mimi Branescu, Judith State, Bogdan Dumitrache, Dana Dogaru, Sorin Medeleni, Ana Ciontea, Rolando Matsangos, Catalina Moga  - Durée : 2h53 - Sortie: 3 août 2016

Synopsis :A Bucarest, trois jours après l'attentat contre Charlie Hebdo et quarante jours après la mort de son père, Lary, docteur en médecine de 40 ans, va passer son samedi au sein de la famille réunie à l'occasion de la commémoration du défunt.  Dans le petit appartement, les débats sont vifs, les avis divergent. Forcé à affronter ses peurs et son passé et contraint de reconsidérer la place qu'il occupe à l'intérieur de la famille, Lary sera conduit à dire sa part de vérité.

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