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"Simple comme Sylvain" de Monia Chokri : l'histoire d'une passion en milieux hostiles

La réalisatrice canadienne scrute l'amour dans un film tendre et hilarant, sur fond de chronique sociale.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
"Simple comme Sylvain" de Monia Chokri. (FRED GERVAIS)

L'amour entre deux êtres issus de milieux sociaux différents est-il possible ? C'est la question posée dans ce troisième long-métrage de la canadienne Monia Chokri, placé sous le signe de l'humour et de la tendresse. Simple comme Sylvain était présenté au dernier Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. Il sort en salles le 8 novembre.

Ensemble depuis dix ans, Sophia, professeure de philosophie (Magalie Lépine-Blondeau), et Xavier, son compagnon (Francis-William Rhéaume), forment un couple complice mais sans passion. Le chalet qu'ils viennent d'acheter dans les Laurentides a besoin de travaux. Un week-end, alors que Xavier doit se rendre à un séminaire à Ottawa, Sophia se rend seule dans leur nouvelle maison pour un rendez-vous avec Sylvain, le charpentier (Pierre-Yves Cardinal). Entre eux, c'est immédiatement le coup de foudre.

Sophia est une urbaine, intellectuelle, délicate et hypersensible, issue d'un milieu bourgeois. Sylvain est un homme de la campagne, pêcheur et chasseur, de milieu modeste, beau et brut de décoffrage. Cela ne les empêche pas de s'aimer avec passion, car Sylvain est aussi un romantique, "l'intello" de sa famille comme dit son frère Kévin, plus rustique, et il est séduit par l'intelligence de Sophia. De son côté, Sophia se sent revivre dans les bras de son amant, dégustant avec bonheur les moments qu'elle partage avec lui dans la nature sauvage des Laurentides. Leur relation prend de l'épaisseur et ils décident de se présenter mutuellement à leurs familles et à leurs amis.

Pas si simple

Simple comme Sylvain ? Pas si sûr. L'amour entre deux êtres que tout oppose socialement est-il viable ? C'est toute la question soulevée par ce troisième long-métrage de la réalisatrice canadienne qui traite ce sujet avec une bonne dose d'humour et de second degré. Monia Chokri s'amuse à croquer deux mondes qui s'opposent, à travers les dialogues, les costumes, les décors. Chacun en prend pour son grade : le petit milieu intellectuel précieux de Sophia, souvent ridicule, autant que l'entourage de Sylvain, fan de Sardou, dont la rudesse frise souvent la vulgarité.

Au-delà de cet antagonisme, la réalisatrice interroge la notion même de l'amour. Une question qu'elle met en scène d'un point de vue théorique et philosophique, de Platon à Bell Hooks, en passant par Jankélévitch ou Hannah Arendt, dans les cours dispensés par Sophia à l'université du troisième âge, en contrepoint du récit de l'aventure vécue par les deux protagonistes.

D'autres formes d'amour sont également évoquées à travers d'autres couples de l'entourage de Sophia : les vieux parents de Xavier, dont le père perd la tête, les amours du frère de Sophia, plus conceptuels, ou encore celles de son amie Françoise (Monia Chokri), toujours curieuse de vivre de nouvelles aventures… Les questions de sexualité sont abordées sans tabou, avec une drôlerie qui permet toutes les audaces. Les scènes de sexe sont filmées avec sensualité et intériorité, du point de vue de Sophia. Un point de vue féminin que l'on ne quitte d'ailleurs pas d'une semelle pendant toute la durée du film.

"Une pensée plus vaste"

Marque de fabrique du cinéma québécois, les dialogues, savoureux, constituent la charpente du film. Ici, on parle beaucoup, de préférence tous en même temps, ce qui donne lieu à de nombreuses scènes de joyeuse cacophonie, et illustre le manque patent d'écoute entre les uns et les autres. En filigrane, la réalisatrice interroge la question de la langue et du langage, au centre de la fracture entre les deux mondes. "Je veux l'aider à trouver les mots pour qu'il ait une pensée plus vaste", justifie Sophia, qui reprend sans arrêt Sylvain sur ses erreurs lexicales.

Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal dans "Simple comme Sylvain" de Monia Chokri, sortie le 8 novembre 2023. (FRED GERVAIS)

Construit en forme de boucle, le film ressemble à un jeu dans lequel toutes les pièces auraient été déplacées sans sortir du plateau. La mise en scène, très soignée, place le spectateur en position d'observateur, avec des plans serrés, de nombreux zooms ou recadrages très rapides, comme si la caméra cherchait à capter des scènes de vie comme dans un documentaire.

Malgré tous ces atouts et la performance irréprochable des acteurs, l'histoire finit un peu par tourner en rond, comme une passion sans issue, qui s'éteint après avoir dévoré les amants. Il n'empêche, après La Femme de mon frère, Coup de Cœur au Festival de Cannes, Un Certain Regard en 2019, et Babysitter en 2022, le nouveau film de Monia Chokri nous questionne en profondeur sur l'amour, sur la féminité, sur la virilité et sur le désir, sur fond de chronique sociale, tout en nous divertissant joyeusement.

Affiche du film "Simple comme Sylvain", de Monia Chokri, sortie le 8 novembre 2023 (MEMENTO DISTRIBUTION)

La Fiche 

Genre Comédie, Romance
Réalisatrice : Monia Chokri
Acteurs : Magalie Lépine Blondeau, Pierre-Yves Cardinal, Francis-William Rhéaume
Pays : Canada
Durée :
1h50
Sortie : 
8 novembre 2023
Distributeur : 
Memento Distribution
Synopsis : Sophia est professeure de philosophie à Montréal et vit en couple avec Xavier depuis 10 ans. Sylvain est charpentier dans les Laurentides et doit rénover leur maison de campagne. Quand Sophia rencontre Sylvain pour la première fois, c’est le coup de foudre. Les opposés s'attirent, mais cela peut-il durer ?

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