"Sorry We Missed You" : après les failles du système social britannique, Ken Loach pourfend l'uberisation
Membre du club très fermé des réalisateurs aux deux Palmes d’or, le réalisateur britannique Ken Loach sort mercredi 23 octobre "Sorry We Missed You" : au coeur du film, l'ubérisation des entreprises de service.
Palme d’or pour Moi Daniel Blake en 2016 et Le Vent se lève en 2006, Ken Loach, venu pour la première fois à Cannes en 1971 avec Family Life, a son rond de serviette à Cannes. Pour preuve, cette quatorzième sélection en compétition, avec Sorry We Missed You. Ce nouvel opus semble composer un diptyque avec Moi Daniel Blake qui traitait du chômage. Ici Ken Loach parle d'un couple d'employés fragilisé par les pressions patronales, avec un adolescent turbulent sous son toit. En salles mercredi 23 octobre.
Un bien pour un mal
Couple avec deux enfants à Newcastel, en Angleterre, Ricky et Abby galèrent dans leurs emplois. Elle est assistante à domicile et lui vient de décrocher un emploi de livreur. Son employeur lui offre de devenir indépendant, en passant par sa plateforme numérique, en achetant une camionnette. Mais ce nouveau marché du travail va avoir des répercussions désastreuses sur sa vie de famille.
Le premier plan de Sorry We Missed You est pratiquement le même que celui de Moi Daniel Blake. Dans ce dernier, lors d’un face-à-face autour d’un bureau, un chômeur veut faire valoir ses droits. Dans Sorry We Missed You, autour d’un même bureau, un demandeur d’emploi trouve un job. L’on imaginerait le second plus chanceux que le premier, mais c’est l’inverse qui se produit. Daniel Blake trouvait dans sa précarité une solidarité qui l’ouvrait à un épanouissement dans de nouveaux rapports humains. En décrochant un emploi, Ricky devient neurasthénique, réduit à être un rouage de l’entreprise, au détriment de son couple, de sa famille, de sa santé physique et mentale.
Une barque trop chargée
Ken Loach, dont l’investissement pour la cause sociale n’est plus à démontrer, dénonce les pratiques en vigueur des employeurs. Les valeurs humaines s’effacent au profit de la marge des entreprises, allant jusqu’au burn out, sinon au suicide. Le procès France Télécom, ou le conflit des employés Deliveroo et d'Uber en France en sont l'illustration. Le réalisateur britannique double ce constat de la vision d’un adolescent laissé à lui-même par des parents accaparés par leur vie professionnelle.
Même s'il reste pertinent dans son propos, Ken Loach est moins convaincant que dans Moi Daniel Blake. Il charge trop la barque de son couple en galère, jusqu’aux répercussions psycho-physiologiques subies par leur cadette. Loach délaisse la part d’humour qui persistait ça et là dans ses films, même les plus sombres. Il ponctue toutefois Sorry We Missed You de scènes fortes et touchantes qui sonnent juste plus d’une fois. La démonstration reste cependant didactique et chargée, même si elle est comme de coutume chez le cinéaste, pleine d’émotion.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Ken Loach
Acteurs : Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone, Katie Proctor, Ross Brewster
Pays : Grande-Bretagne
Durée : 1h40
Sortie : 23 octobre 2019
Distributeur : Le Pacte
Synopsis : Ricky, Abby et leurs deux enfants vivent à Newcastle. Leur famille est soudée et les parents travaillent dur. Alors qu’Abby travaille avec dévouement pour des personnes âgées à domicile, Ricky enchaîne les jobs mal payés ; ils réalisent que jamais ils ne pourront devenir indépendants ni propriétaires de leur maison. C’est maintenant ou jamais ! Une réelle opportunité semble leur être offerte par la révolution numérique : Abby vend alors sa voiture pour que Ricky puisse acheter une camionnette afin de devenir chauffeur-livreur à son compte. Mais les dérives de ce nouveau monde moderne auront des répercussions majeures sur toute la famille…
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