"Spotlight", la grande leçon de journalisme du Boston Globe
Dans la lignée des "Hommes du Président" ou, plus récemment, de "Zodiac", voici un de ces films de journalistes américains qu'on adore. Des tenaces, des pugnaces qui ne baissent jamais les bras et continuent à assembler les pièces de puzzle jusqu'à la scène finale des rotatives qui inondent la ville de leurs unes dévastatrices…
Nous sommes ici dans une affaire aussi sordide que réelle. Au début des années 2000, le quotidien Boston Globe met à jour plusieurs affaires de pédophilie dont les auteurs sont des prêtres. Le nouveau rédacteur en chef - un type qui "n'a pas fait l'école du rire" selon ses adjoints - décide d'appuyer là où sa fait mal et donne carte blanche à la cellule d'investigation du journal, Spotlight, pour continuer à tirer sur la pelote.
Elle va enquêter durant un an, sans publier une ligne (un luxe extraordinaire que bien peu de journaux peuvent s'offrir), et mettre à jour un gigantesque scandale : des dizaines et des dizaines d'affaires étouffées par la hiérarchie catholique.
Patiemment, les fins limiers du Boston Globe rencontrent des prédateurs, leurs avocats et surtout leurs victimes, toutes issues de milieux très modestes, incapables de se défendre. Ils découvrent les méthodes employées par l'Eglise. "L'évêque est venu à la maison et nous a demandé de ne pas porter plainte, raconte un homme agressé par un prêtre alors qu'il était enfant – Et qu'a fait votre mère ? lui demande la journaliste – Ma mère ? Elle a sorti les biscuits".
Car à Boston, comme dans la plupart des villes américaines, on ne touche pas impunément à la religion. De partout, les pressions s'exercent. Discrètes, jamais violentes, mais lourdes de sous-entendus menaçants. Le Boston Globe, et c'est tout à l'honneur de la presse, ne faiblira pas dans son combat et finira par sortir son scoop. Un véritable tremblement de terre qui sera suivi de répliques un peu partout dans le monde.
Servi par d'impeccables acteurs (de Michael Keaton à Mark Ruffalo, en passant par l'excellent John Slattery, le génial Roger Sterling de "Mad Men), Tom Mc Carthy signe un film très sobre, parfois austère, mais particulièrement haletant. Il restitue parfaitement le travail de fourmis des journalistes, les moments de découragement, les pressions de l'establishment et du clergé local. Ses personnages ne sont pas des héros mais de simples citoyens indignés et courageux. Et la presse qu'il décrit n'est pas caricaturale. Déjà atteinte par l'érosion des ventes et la concurrence naissante des nouveaux médias, elle résiste en faisant son métier avec détermination et sens du service public.
A Boston, ces hommes et ces femmes-là ont fait sauter un invisible cadenas. Une belle leçon de journalisme. Un film puissant et réussi.
La fiche
Thriller américain de Tom Mc Carthy – Avec Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdam, Liev Schreiber et John Slattery – Durée : 2h08 – Sortie : 27 janvier 2016
Synopsis : Adapté de faits réels, Spotlight retrace la fascinante enquête du Boston Globe – couronnée par le prix Pulitzer – qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Eglise Catholique. Une équipe de journalistes d’investigation, baptisée Spotlight, a enquêté pendant 12 mois sur des suspicions d’abus sexuels au sein d’une des institutions les plus anciennes et les plus respectées au monde. L’enquête révèlera que L’Eglise Catholique a protégé pendant des décennies les personnalités religieuses, juridiques et politiques les plus en vue de Boston, et déclenchera par la suite une vague de révélations dans le monde entier.
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