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"Taj Mahal" : sept ans avant Paris, Bombay ciblée par les terroristes

Sept ans avant Paris, Bombay a vécu le même enfer des attaques terroristes simultanées. Au total, 195 personnes sont mortes et plus de 300 autres blessés sur dix sites différents. Nicolas Saada a choisi de consacrer son second long-métrage à ce drame, à travers le regard d'une jeune Française piégée dans sa chambre d'hôtel par le groupe terroriste pakistanais.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Stacy Martin dans "Taj Mahal"
 (Bac Films)

A l'origine de ce projet ambitieux, une expérience glaçante et réelle, un véritable récit. Celui d'une jeune fille qui, en 2008, s'est retrouvée seule dans une chambre de l'hôtel Taj Mahal durant l'attaque meurtrière. A Bombay comme à Paris, les terroristes voulaient marquer les esprits et faire le plus de victimes possibles. Fraîchement installée en Inde avec ses parents, elle a vécu des heures éprouvantes, cachée dans un placard ou dans une salle de bain, gardant le contact téléphonique avec son père, avant d'être menacée par l'incendie provoqué dans le Palace.

Nicolas Saada (qui avait signé "Espion(s)" en 2009) voulait faire un "film catastrophe" tout en s'inscrivant dans l'héritage de Bresson et Melville, cherchant une vision moins spectaculaire que celle des productions américaines, et une caméra au plus près des protagonistes. Dans le chaos de la mégalopole indienne, Saada a donc choisi de rester au contact de ses personnages, multipliant les plans serrés sur son héroïne Louise (Stacy Martin) et ses parents (Louis-Do de Lencquesaing et Gina McKee).

Un peu boudeuse, désorientée, Louise est encore dans sa période de découverte de l'Inde lorsque survient l'attaque. Le film décrit bien cette période de tournis où l'œil doit réapprendre à regarder la ville et ses habitants, où les couleurs se bousculent, où le bruit émerge de partout, jour et nuit, sauf lorsque se referment les épaisses fenêtres du palace où la famille attend de pouvoir s'installer "chez elle".
  (Bac Films)
Lorsque les terroristes passent à l'action, tout est suggéré, on ne les verra jamais (sauf sur les quelques images d'archives des chaînes d'infos qui repassent en boucle leur sauvagerie). L'essentiel de la tension est provoqué par la bande son. Explosions sourdes, d'abord éloignées puis de plus en plus proches ; mitraillages, hurlements, coups de pieds et de crosse dans les portes de la chambre. La jeune femme est seule pour affronter cette situation terrible. Nous allons vivre avec elle la majeure partie du film dans cette chambre mi-piège mi-refuge.

Stacy Martin exprime sobrement la montée de l'angoisse, cette solitude oppressante, tandis que le danger l'effleure. Qui sont les assaillants, que veulent-ils, quelles sont leurs cibles ? Le film n'en dira rien, assumant son parti-pris de se consacrer intégralement au destin de Louise, qui n'a elle-même aucun recul sur ce qu'elle vit.

Il fallait une bonne dose de courage et de ténacité pour tourner ce film à Bombay et Nicolas Saada est allé au bout de ses idées. Des reconstitutions plus spectaculaires n'auraient sans doute pas altéré son propos, mais dans son minimalisme, "Taj Mahal" se tient, porté par son intense suspense. On ne peut évidemment s'empêcher de penser, presque en permanence, au drame que vient de vivre Paris. Des personnes cachées, des bourreaux déterminés qui, froidement, accumulent les victimes. Les sentiments de Louise, ils et elles sont nombreux à les avoir éprouvés, au Bataclan et ailleurs, espérant survivre à la folie meurtrière. "Taj Mahal" amène avec lui, bien involontairement, ce lourd poids émotionnel.
 

"Taj Mahal" – drame franco-belge de Nicolas Saada – Avec Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing et Gina McKee – Durée : 1h31 – Sortie : 2 décembre 2015

Synopsis : Louise a dix-huit ans lorsque son père doit partir à Bombay pour son travail. En attendant d’emménager dans une maison, la famille est d’abord logée dans une suite du Taj Mahal Palace. Un soir, pendant que ses parents dînent en ville, Louise, restée seule dans sa chambre, entend des bruits étranges dans les couloirs de l’hôtel. Elle comprend au bout de quelques minutes qu’il s’agit d’une attaque terroriste. Unique lien avec l’extérieur, son téléphone lui permet de rester en contact avec son père qui tente désespérément de la rejoindre dans la ville plongée dans le chaos.

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