"The Crossing" : thriller moralisateur sur la jeunesse hongkongaise occidentalisée
Très pertinent à l'heure du renforcement des lois sécuritaires chinoises à Hong-Kong, le film est représentatif du nouveau "soft power" chinois.
Après Ip Man 4 : le dernier combat, sorti le 22 juillet, The Crossing est le deuxième film chinois de l’été qui comble la soif de films d’action, et tout comme lui, emblématique du "soft power" mis en œuvre par Pékin. Le premier dénonce le racisme antichinois américain, le second pointe l’occidentalisation de la jeunesse hongkongaise, pour justifier les nouvelles mesures de sécurité imposées par la Chine. Malin, mais tissé de grosses ficelles.
Jour sécuritaire
Peipei, lycéenne de 16 ans, fille d’une mère célibataire prostituée, est la meilleure amie de Jo, issue de la haute bourgeoise hongkongaise, et passe tous les jours la frontière entre Hong Kong et la Chine. Pour financer un voyage au Japon dont elles rêvent, Peipei rejoint un gang qui l’utilise comme "mule" pour passer des téléphones mobiles dernier cri en Chine. L’argent facile la grise, jusqu’à ce qu’un différend sentimental avec son amie Jo mette en danger leur projet.
La réalisatrice chinoise Bai Xue a vu The Crossing, son premier long métrage, sélectionné à Berlin dans la catégorie Génération, et au Festival de Toronto, où le film a remporté une mention spéciale Netpac, organisation qui promeut le cinéma asiatique dans le monde. Arrivant en France deux ans après sa sortie originelle (2018), le film prend un jour nouveau au regard de la nouvelle donne sécuritaire imposée par Pékin à Hong Kong.
"Kékés" décérébrés
Très agressif dans sa politique internationale, avec au cœur de sa stratégie la Nouvelle route de la soie instaurée par le président chinois Xi Jinping, l’Empire du Milieu diffuse également son idéologie par le cinéma. Dans The Crossing, il s’agit du sujet épidermique en Chine de Hong Kong, au statut particulier, trait d’union avec l’Occident. Etat sécuritaire s’il en est, la Chine prône, sans rencontrer une grande opposition, sa politique dirigiste, même si la contestation reste mobilisée dans l’ancienne concession britannique, notamment dans la jeunesse. C’est justement elle que cible The Crossing qui dépeint des adolescents décadents, des "kékés" décérébrés aux tenues vestimentaires bariolées, provocantes, obnubilés par l’argent, prêts à tout pour nourrir leurs instincts futiles.
Si la propagande est de tous les Etats, elle a pris le jour du "soft power" qui utilise entre autres les produits culturels pour diffuser une idéologie. Le cinéma est bien entendu au premier rang de ces influenceurs, d’autant qu’il est particulièrement puissant par son pouvoir hypnotique, à priori innocent. Ce n’est pas nouveau, Goebbels (ministre de la propagande nazie) l’avait parfaitement compris et utilisé avec efficacité.
Les Etats-Unis ont fait de leur cinéma le fer de lance de la diffusion de l’idéologie libérale après-guerre, atteignant une réception internationale sans égal non démentie depuis. La Chine s’y essaye en s’adaptant à un cinéma occidental, tout en diffusant ses valeurs propres. Le résultat est efficace, tout en étant un peu appuyé, notamment avec un carton final ventant l’efficacité de moyens sécuritaires "pointus", entendez "reconnaissance faciale", permettant d’éradiquer les trafics frontaliers. Malin, mais peut mieux faire…
La fiche
Genre : Thriller
Réalisateur : Bai Xue
Acteurs : Huang Yao (II), Sunny Sun, Carmen Soup, Elena Kong
Pays : Chine
Durée : 1h40
Sortie : 12 août 2020
Distributeur : 3L Films
Synopsis : Peipei est une lycéenne de 16 ans qui vit avec sa mère à Shenzen et étudie à Hong Kong. Avec sa meilleure amie Jo, elles rêvent de vivre un jour de Noël sous la neige au Japon. Alors que Peipei cherche du travail pour financer ce voyage, le petit ami de Jo lui propose de se faire de l’argent en passant illégalement des téléphones portables par la frontière.D’abord craintive, Peipei prend de l’assurance quand les entrées d’argent se font plus importantes...
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