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"The Salvation" : un grand western spaghetti à la danoise

Curieuse cuisine qu'a concoctée le Danois Kristian Levring, initiateur de Dogma avec Lars von Trier et Thomas Vinterberg, en réalisant "The Salvation", western droit dans les bottes de la veine spaghetti et pourtant très atypique. Un paradoxe qui participe des grandes qualités d'un film dominé par un Mads Mikkelsen, meurtri au propre comme au figuré, et une Eva Green dans un rôle muet.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Mads Mikkelsen dans "The Salvation" de kristian Levring
 (Joe Alblas)
La note Culturebox
4 / 5                  ★★★★☆

De Kristian Levring (Danemark, Grande-Bretagne/Afrique-du-Sud), avec : Mads Mikkelsen, Eva Green, Jeffrey Dean Morgan, Eric Cantona - 1h32 - Sortie : 27 août

Synopsis : 1870, Amérique du Nord. Lorsque John tue le meurtrier de sa famille, il déclenche la fureur du chef de gang, Delarue. Trahi par sa communauté, lâche et corrompue, le paisible pionnier doit alors traquer seul les hors-la-loi...
Xénophobie
Si les références à Sergio Leone fusent dans "The Salvation", elles émanent également du rôle John tenu par Mads Mikkelsen qui, tel Clint Eastwood dans "Josey Wales hors la loi", voit sa famille décimé par un gang et hanté par la vengeance. Si le pitch, classique, est semblable, le traitement se démarque. Kristian Levring ne se cache pas de ces emprunts et les revitalise, notamment par le thème de l'immigration, John étant un Danois fraîchement débarqué avec son frère, qui accueille son épouse et son fils tout juste débarqués du Danemark.

Ils vont vite déchanter…  La thématique migratoire participe du portrait d'une nation encore toute jeune dont les populations installées s'octroient des privilèges monstrueux au regard des nouveaux arrivants, allant jusqu'à bafouer la loi. Une propension à la xénophobie contraire à l'image de terre d'accueil qu'est censée incarner l'Amérique. Un message déjà présent dans le magnifique "La Porte du paradis" de Michael Cimino. Le chef de gang Delarue est le fer de lance de ces mœurs déviantes, interprété par un Jeffrey Dean Morgan dont il émane un violent sentiment d'injustice révoltant. 
Eva Green dans "The Salvation" de Kristian Levring
 (Jour2Fête )

De la belle ouvrage
La trempe des personnages est une réussite essentielle du film. John est labouré de douleur à la mort de sa femme et de son fils, puisant des ressources insoupçonnées dans son esprit et son corps endoloris. Madeleine, du gang Delarue, devenue veuve suite à la vengeance de John, a perdu la parole après avoir été mutilée par des Indiens. Eva Green interprète cette femme de l'Ouest avec une forte présence, une prestation d'autant plus remarquable qu'elle n'a aucune ligne de dialogue, tout passant par les yeux et la gestuelle. Une performance.

Eric Cantona, dans le rôle d'un membre du gang, que l'on suppose d'origine française, vu la consonance des patronymes, ne fait quant à lui guère plus que de la figuration. Mais Douglas Henshall en pasteur sheriff ripoux, ou le trop rare Jonathan Price en maire croquemord poltron, campent des personnages hors normes.

Kristian Levring filme enfin magnifiquement ce western désenchanté et violent. Les tonalités solaires succèdent à des nocturnes anthracites de toute beauté. "The Salvation", projeté à Cannes hors compétition, s'inscrit dans la lignée du néo western tel "3h10 pour Yuma", "Appaloosa" ou le récent "The Homesman", tout en renouvelant la veine européenne du genre avec brio.

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