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"The Wastetown" : une femme iranienne broyée dans un mélodrame au réalisme poétique et politique

Une femme est à la recherche de son enfant dans un cimetière de voitures en Iran, filmée comme un tableau de Nicolas de Staël couleur métal. En salles le 2 août.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Baran Kosari dans "The Wastetown" d'Ahmad Bahrami (2023). (BODEGA FILMS)

Huis clos dans une casse de voitures en Iran, The Wastetown d'Ahmad Bahrami succède à sa briqueterie du désert iranien de The Wasteland. Le réalisateur métaphorise la société iranienne, et dans son dernier film, la condition féminine. Il filme un noir et blanc métallique au cœur d’un désert de carcasses, sur lequel règne une broyeuse-Moloch de vie. Âpre, The Wastetown sort en salles le 2 août.

Triste tropique


Condamnée à dix ans de prison pour le meurtre de son mari, arrachée à son garçon de deux ans, et en libération conditionnelle, une femme se présente à une casse de voitures tenue par son beau-frère. Elle recherche son fils qui a aujourd’hui dix ans. Elle est en butte aux trois frères de son mari défunt qui ont vendu son fils à un riche médecin. La fugitive erre au milieu d’un cimetière de voitures, en attente d’être broyée comme elles.

Ahmad Bahrami filme en noir et blanc, format 1.33 (carré), comme dans les années trente, un mélodrame tragique où il dénonce la condition féminine en Iran. Une condamnée est livrée à la merci de trois hommes qui la méprisent, ou au mieux cherchent à la séduire pour bénéficier de l’argent qu’elle refuse, issu de la vente de son enfant. Triste tropique dirait Lévi-Strauss, triste Iran filme Ahmad Bahrami.

Les berges du Styx


De lents panoramiques et travellings ponctuent cette longue descente aux enfers dont les berges du Styx sont des rangs de cadavres automobiles. Ils attendent d’être broyés par la "machine à plier", pour finir en compression à la César, comme on plie une vie. Un Cerbère errant s’ennuie dans ce désert encombré de tôles froissées, comme l'existence peut l'être. Le filmage d’Ahmad Bahrami est un art du silence qui donne tout à l’image et au temps. Contemplative, sa grisaille de ruines funèbres est le pendant du bigarré et anticonsumériste Dodes’ka-den d’Akira Kurosawa (1970), qui se déroulait dans une décharge publique.

Sans doute interdit en Iran comme la plupart des excellents films qui nous arrivent de Téhéran, The Wastetown est un poème visuel douloureux. Il résonne fort aujourd’hui, après l’extrême répression qu’a engendrée le meurtre de Mahsa Amini par la "police de la moralité" iranienne, pour mauvais port du voile en septembre 2022. Celui que revêt la victime de The Wastetown est un drap blanc, suaire dans lequel on enterre les morts en Iran.

L'affiche de  "The Wastetown" d'Ahmad Bahrami (2023). (BODEGA FILMS)

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Ahmad Bahrami 
Acteurs : Baran Kosari, Ali Bagheri 
Pays : Iran 
Sortie : 02 août 2023
Distributeur : Bodega Films

Synopsis : Coupable du meurtre de son mari, Bermani est emprisonnée pendant 10 ans. Libérée, elle part à la recherche de son jeune fils et se rend à la casse automobile où travaille son beau-frère...

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