"Tout de suite maintenant" : Bonitzer père et fille en mode fusion-acquisition

Austère et ambitieuse, une jeune femme débarque chez son nouvel employeur, une grosse entreprise de fusion-acquisition dirigée par deux vieux compères, Barsac (Lambert Wilson) et Prévôt-Parédès (Pascal Greggory). Derrière ce choix de carrière logique se cache un entrelacs de non-dits et de cachotteries. Nora n'est pas arrivée n'importe où. Son recrutement n'est pas le fait du hasard. Tout, dans cet univers désincarné et dépourvu de scrupules, la ramène à son père.

Bonitzer a bien traduit ses intentions à l'image. Monstre froid, la finance se loge ici dans des bureaux impersonnels au design étudié, niches de luxe pour les jeunes chiens de chasse lancés sur les entreprises en difficulté. Chez Barsac aussi, tout est glacé, décor contemporain très chic et sans vie. Le jeu des comédiens est au diapason. Lambert Wilson, animal à sang-froid, parfait dans sa maîtrise distante. Isabelle Huppert, débit monocorde, y compris après ses premiers verres de blanc après le café du matin. Et Agathe Bonitzer, fragile et carrée à la fois, gonflée d'une irrésistible volonté de réussir. Mais derrière les masques, les fêlures finissent par apparaître.

Jean-Pierre Bacri, lui, est l'antithèse de ce monde stérilisé. Il est aussi fatigué que son appartement. Moral dans les chaussettes, plein d'acidité envers ceux qu'il aime pourtant. Lui, l'ancien chercheur, a des allures de saltimbanque comparé aux requins qui emploient sa fille.

Entre ces deux mondes, les liens vont se révéler. Une intrigue assez touffue mais maligne qui éclaire la réalité d'un jour différent. "Tout de suite maintenant" ne manque pas de qualités et confirme le talent d'Agathe Bonitzer et de Vincent Lacoste, tout à fait à la hauteur des grandes pointures avec qui ils partagent l'affiche.