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"Tout, tout de suite" : Richard Berry filme toute sa vérité sur l’affaire Halimi

Deuxième film sur l’affaire Ilan Halimi, aussi nommée "gang des barbares", "Tout, tout de suite" tenait à Richard Berry. Il réalise et cosigne le scénario avec Morgan Sportès d’après son roman éponyme. Il interprète le père de la victime avec qui il a longuement échangé et auquel le film est dédié. L’histoire de ce jeune homme enlevé pour une rançon, torturé à mort, a traumatisé la France en 2006.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
"Tout, tout de suite" de Richard Berry
 (Céline Nieszawer)

Pièces d'identités

Berry soutient une thèse, celle d’un crime antisémite qui a été largement évoqué durant le procès de Youssouf  Fofana, chef du gang, et de ses acolytes. Tenu pour circonstance aggravante par l’accusation, l’argument a fait débat et polémique. Si l’appât du gain demeure le mobile des "barbares", c’est la cible de leur enlèvement qui détermine cette thèse. Les interrogatoires de la police épluchées par Berry, et les propos mêmes de Fofana, confirment que le choix d’un juif, présupposé "plein de tunes", confirme la thèse. Le gang des barbares n’aurait pas kidnappé quelqu’un de leur communauté, composée de magrébins, arabes et noirs.

L’appartenance à la communauté revient régulièrement dans la bouche de Fofana qui en fait la justification de "l'opération". La religion est également largement évoquée par les protagonistes. La famille Halimi fait Shabbat toutes les semaines, les membres du gang sont soit  issus d’une famille catholique, converti à l’islam, ou musulmans. Berry revient de loin en loin sur les obédiences religieuses de chacun, jusqu'à en faire une revendication identitaire. Le Juif en est exclu, donc responsable de tous leurs maux. De ce point de vue, le cinéaste enfonce un peu trop le clou pour se faire comprendre, n'échappant pas à une certaine redondance.

Richard Berry dans "Tout, tout de suite" , qu'il a réalisé
 (Céline Nieszawer)

Thèse de cinéma

Le cinéma est un art, un langage et un vecteur d'idées. Pas facile de parler d’art en évoquant un film retraçant le terrible fait divers qui a fait la chronique et le drame d’une famille. Ce n’est toutefois pas la première fois qu’art et événements tragiques se croisent, sans pour autant poser problème ("Les Massacres de Scio " par Delacroix, "La Naufrage de la Méduse" de Géricault, "El tres de Mayo de 1808 en Madrid" de Goya…) Dans "24 jours" d’Alexandre Arcady, l’affaire Halimi est exposée du point de la famille d’Ilan. "Tout, tout de suite" est filmé à travers le regard du gang. C'est pourquoi le film est si nerveux de bout en bout, le plus souvent en caméra portée, mouvante autour des acteurs.

Ce parti-pris de mise en images constitue la colonne vertébrale de la mise en scène. Richard Berry filme très bien, au plus près de ses personnages, car ce sont eux qui l'intéressent. C'est à travers eux qu'il expose sa thèse. Très bon parti également de monter en parallèle les interrogatoires et le déroulement de la prise d'otage, de son incarcération, des sévices qu'il subit et de la galère de Fofana à ne pas obtenir ce qu'il veut ; du père d'Ilan, mais aussi de ses sbires.


Le chef de gang apparaît tel un "bouffon", dirigiste, grande gueule, au physique impressionnant, mais tout petit face à une situation qu'il a créée mais le dépasse. Son interprète, Steve Achiepo, est remarquable. Il confie avoir souffert à endosser le rôle. On le comprend. Au total, Richard Berry traite d'un fait divers emblématique de cette première partie du XXIe siècle, les clivages propices aux fantasmes, à la stupidité et aux privations pour verser dans le crime, afin de s'accaparer "tout, tout de suite". 

"Tout, tout de suité" : l'affiche
 (Légende Distribution)

La fiche film
Policier/Thriller de Richard Berry (France) - Avec : Richard Berry, Steve Achiepo, Marc Ruchmann, Romane Rauss, Edouard Giard, Djibril Gueye, Eric Moreau - Durée : 1h51 - Sortie : 11 mai 2016
Synopsis : Des portes explosent. Les policiers casqués, armés font irruption de nuit dans des appartements, cris, coups : défilent à l’écran les visages des interpellés. Des beurs, des blacks, des blancs. Tous ont moins de vingt ans. Ceux que la presse appellera les "barbares". On est en février 2006. La police quelques heures plus tôt a trouvé le corps moribond d’Ilan (Halimi) sur le bord d’une route à Sainte-Geneviève-des-Bois, nu, brûlé à 80 %. Kidnappé, il a été séquestré pendant 24 jours. Il était juif. Et donc supposé avoir de l’argent. Par flash-back, le film déroule le fil des événements depuis le kidnapping. Courses poursuites entrecoupées de scènes où on assiste au calvaire de la victime. Moderne danse macabre qui en dit long sur la "marche" de nos sociétés.  
 

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