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"Tunnel", film catastrophe coréen aux ambitions politiques

Le cinéma coréen est un vivier de découvertes qui s’est notamment manifesté dans les films de genre. Cette inventivité est vivace dans toute l’Asie, avec les révélations du cinéma taïwanais, philippin, thaïlandais, singapourien, dont on ne soupçonnait pas même l’existence, il y a peu de temps encore. Avec "Tunnel", Kim Seong-Hun ("Hard Day") revisite de façon inédite les films catastrophe.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
"Tunnel" de Kim Seong-hun
 (Kim Seong-hun)

Catastrophe politique

Apparu dans la foulée de la naissance du cinéma (1895), en 1902, avec la reconstitution de l’explosion de la Montagne Pelée en Martinique qui traumatisa le monde, le cinéma catastrophe est devenu un genre à part entière, particulièrement depuis le milieu des années 70 ("L’Aventure du Poséidon", "Tremblement de terre", "La Tour infernale"). Très codifié, il perdure ("2012", "San Andrea", "Gravity") nourri des successions obligées de scènes mélodramatiques et de destruction, avec son lot de suspense au rythme des périls qu’encourent les protagonistes. "Tunnel" en use et en abuse pour mieux les détourner.

"Tunnel" commence comme "Duel" (1973) de Steven Spielberg, avec son Commercial sur la route qui va rencontrer un obstacle sur le chemin de son quotidien. C’était un camionneur irascible qui l’entraînait dans une course folle dans le premier film, l’effondrement d’un tunnel qui va le bloquer sous les décombres pendant plus d’un mois, dans le second. Fuite en avant mortel dans "Duel", la catastrophe devient immobilisation, non moins mortelle, dans "Tunnel". L’inversion des dynamiques (course/immobilisme) stimule des sous-textes inhérents aux deux films : stigmatiser les excès de la société de surconsommation américaine, chez Spielberg, et la dénonciation du conservatisme politique coréen chez Kim Seong-Hun.

Claustrophobes s’abstenir

Le message passe par les épreuves que traverse le voyageur, stoppé net dans son périple destiné à le faire rejoindre son épouse qui doit accoucher, donc le relier à son avenir. Bloqué par l’éboulement du tunnel qui entrave sa progression vers son futur, il l’est tout autant par l’incapacité des secours de le sortir des décombres, hautement supervisés par la ministre des Transports omniprésente et omnipotente, allant jusqu’à le déclarer pour mort, sans en avoir la preuve.

Ha Jung-Woo dans "Tunnel" de Kim Seong-hun
 (VERSION ORIGINALE CONDOR)

Quasiment entièrement tourné dans l’espace clôt de l’habitacle du véhicule écrasé, "Tunnel" s’apparente à un huis-clos déconseillé aux spectateurs claustrophobes, déjà engoncés dans l’espace fœtal et noir de la salle de cinéma. Une double punition décuplée par des extérieurs enténébrés de pluies diluviennes. "Tunnel" ressemble à un fait divers, ce qu'il n'est pas. Il engendre cette impression par le niveau de réalisme de sa mise en scène,tout en cultivant une parabole transparente quant à l’état de la société coréenne contemporaine, qu’une partie de la population, de plus en plus critique, juge sclérosée. Film catastrophe aux prolongements politiques féconds, "Tunnel" prouve une fois encore combien les cinéastes coréens renouvellent le cinéma de genre dans ses ambitions.

"Tunnel" : l'affiche
 (Kim Seong-hun)

LA FICHE

Action/catastrophe de Kim Seong-hun (Corée-du-Sud) - Avec : Ha Jung-Woo, Doona Bae, Dal-Su Oh - Durée : 2h06- Sortie : 3 mai 2017

Synopsis : Alors qu’il rentre retrouver sa famille, un homme est accidentellement enseveli sous un tunnel, au volant de sa voiture. Pendant qu’une opération de sauvetage d’envergure nationale se met en place pour l’en sortir, scrutée et commentée par les médias, les politiques et les citoyens, l’homme joue sa survie avec les maigres moyens à sa disposition. Combien de temps tiendra-t-il ?



 

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