"Un illustre inconnu" : Mathieu Kassovitz dans un grand thriller psychologique
4 / 5 ★★★★☆
De Matthieu Delaporte (France), avec : Mathieu Kassovitz, Marie-Josée Croze, Eric Caravaca, Siobahn Finneran, Olivier Rabourdin, Philippe Duclos, Geneviève Mnich, Bernard Murat - 1h58 - Sortie : 19 novembre 2014
Synopsis : Sébastien Nicolas a toujours rêvé d’être quelqu’un d’autre. Mais il n’a jamais eu d’imagination. Alors il copie. Il observe, suit puis imite les gens qu’il rencontre. Il traverse leurs vies. Mais certains voyages sont sans retour.
Je est un autre
Le film de Matthieu Delaporte étonne par la qualité de son sujet, de son scénario, et de son évolution narrative. En son coeur : un personnage en quête d'identité. Sébastien Nicolas (Mathieu Kassovitz) ne s'aime pas, personne ne l'aime d'ailleurs. Solitaire, taciturne, gris, rien n'émerge de lui, on le remarque à peine, on ne le voit pas, il est transparent. Ses seuls instants de vie, il les trouve en s'identifiant à des inconnus croisés par hasard. Il occupe leur appartement, prend dans le moindre détail leur apparence physique, leur voix. Je deviens un autre, pour enfin exister.
Raconté du point de vue de ce personnage terne, tout le film s'en trouve contaminé. Avec ses dominantes grises, et la froideur de ses images. L'obsession de Sébastien Nicolas de se projeter dans l'autre, la méticulosité qu'il porte à ses identifications frisent le fantastique. Ecrit à quatre mains par Matthieu Delaporte et son complice Alexandre De La Patellière, "Un illustre inconnu" peut paraître non crédible. Un tel jugement laisserait de côté la dimension poétique et métaphorique du film. Il traite en profondeur de la solitude, des difficultés à trouver sa place dans une société égoïste et du rejet de soi.
Piège
La construction d'"Un illustre inconnu" est par ailleurs essentielle à son impact. Aussi, est-il difficile d'en parler sans en dévoiler les rouages. Ce qui priverait du mystère, du suspense et des rebondissements inattendus. Composé en flash-back, la mise en scène y gagne en efficacité, subtilité et élégance. Ces attributs rejaillissent sur tout le film, dans sa sobriété, sans musique, et une interprétation juste. Non seulement de Kassovitz, mais également de Ludovic Berthillot qui interprète un musicien déchu, dont la fascination engendrera l'ultime dérive de Sébastien Nicolas.
Reportage : P. Deschamps, D. Lévy et D. Olivier :
Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière ont parfaitement réussi leur passage du registre de la comédie, à celui du drame. L'écriture repose sur un sujet original et non une adaptation ou un fait divers, comme c'est souvent le cas. Plonger dans l'univers de Sébastien Nicolas, c'est s'immerger dans les méandres d'une personnalité trouble, aux limites de la folie. D'une folie contrôlée et assumée pour justement ne pas devenir fou. Un étrange paradoxe, contenu dans le beau titre, "Un illustre inconnu", où le jeu des apparences est trompeur. C'est un bonheur de s'y laisser prendre.
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