"Un métier sérieux" : un casting de rêve pour raconter les galères et les joies des profs d'un collège de banlieue

Après avoir mis en scène la médecine (qui est son premier métier) dans Hippocrate (2014), décliné ensuite en série, Médecin de campagne (2016), et Première année (2018), Thomas Lilti plonge avec ce cinquième long-métrage au cœur d'un autre métier, celui de professeur de collège. Comme dans ses précédents films, le réalisateur décortique avec un mélange d'humour et de gravité la réalité d'un métier que l'on associe souvent, comme pour la médecine, à l'idée de vocation, et auquel collent toutes sortes de croyances, de poncifs, d'idées reçues.

"Ne vous mettez pas trop la pression, déjà ils ont la chance d'avoir un professeur". Voilà comment le principal accueille Benjamin (Vincent Lacoste, qui passe avec brio du rôle d'apprenti médecin à celui d'apprenti enseignant), jeune thésard qui fait sa première rentrée comme professeur de mathématiques remplaçant dans un collège de banlieue. Ses collègues, une bande de profs sympathiques qui se serrent les coudes, l'abreuvent de conseils divers et variés. Mais il comprend peu à peu que derrière l'assurance de ses pairs, se cachent souvent des difficultés avec les élèves, avec les parents, avec les inspecteurs…

De son côté, le jeune professeur débutant, un peu stressé, cherche des "recettes" sur internet pour muscler ses cours et captiver son auditoire. Et il s'en sort plutôt bien. "J'ai réussi à créer une complicité avec mes élèves", confie-t-il à Meriem (Adèle Exarchopoulos), sa jeune collègue très à l'aise dans sa classe. Tout semble se dérouler pour le mieux, jusqu'au jour où il se trouve confronté à la violence de l'un de ses élèves.

"Il y a de l’usure, de la solitude et de la fatigue"

Le film nous plonge dans le quotidien du collège. Les salles de cours, la cantine, la salle des professeurs, les exercices d'urgence attentat, les voyages scolaires… On partage les inquiétudes, les doutes, qui persistent même après des décennies d'expérience, comme pour Pierre, le vieux professeur de Français en fin de carrière, (François Cluzet, excellent) sans cesse hanté par la crainte d'ennuyer ses élèves.

"Grâce à François, Pierre porte en lui une remise en question permanente, le sentiment qu’il aurait pu être un autre prof mais aussi que son temps est révolu. Il y a de l’usure, de la solitude et de la fatigue dans son personnage mais aussi beaucoup de bienveillance. Pierre veille sur les autres profs. Ils sont sa famille", explique le réalisateur dans la présentation du film.

Des difficultés auxquelles s'ajoutent les absurdités d'un système, mais aussi les problèmes personnels des uns et des autres — femmes seules pour élever leurs enfants par exemple — qu'il faut laisser aux portes du collège pour se consacrer pleinement à des élèves parfois difficiles. On comprend pourquoi il peut arriver qu'ils craquent, comme Sandrine, professeure d'SVT pleine de bonne volonté mais en difficulté face à ses élèves, incarnée par une Louise Bourgoin au jeu subtil et intériorisé très convaincant.

Mais on partage aussi les joies, les enthousiasmes de ces enseignants dont la passion reste chevillée au corps malgré l'âpreté du métier, en prise directe avec la violence sociale ou familiale des élèves.

"La vocation, personne ne l'a au début"

Au-delà d'une peinture de la vie des professeurs en collège, Un métier sérieux, aborde la question de la transmission, et de l'éducation, au sens large. On retrouve en arrière-plan des thèmes chers au réalisateur, comme la projection des désirs des parents sur leurs enfants.

L'idée est synthétisée dans une scène éloquente entre le jeune Benjamin et son père médecin, qui lui assène sans sourcilier toutes sortes d'injonctions sur son avenir, et tout son mépris pour le métier de professeur. L'idée est aussi présente avec Pierre, déçu par son fils qui n'a pas "réussi" sa prépa, "alors qu'on a tout fait pour lui".

Qu'est-ce qu'éduquer ? Quel est le rôle du professeur ? Ces questions sont au cœur de ce nouveau film de Thomas Lilti. À l'occasion d'un conseil de discipline, Benjamin parvient malgré la violence de la situation à transmettre quelque chose de l'ordre du respect au garçon "incontrôlable" mis en cause par sa faute. Mais ce geste pourra-t-il le sauver ?

On l'espère, tout en mesurant le fardeau social qui pèse, de plus en plus, sur les épaules des professeurs, chargés non seulement d'enseigner un savoir, mais aussi de transmettre des valeurs. "La vocation, personne ne l'a au début", explique Pierre à Benjamin. "Elle arrive quand t'es balancé dans un collège et puis que tu découvres que tu es à ta place".

La véracité du film réside dans les détails, décors, soin dans le choix des costumes, des coiffures, des accessoires. En croquant les petits moments du quotidien, les incongruités du système mais aussi les grands enjeux de ce lieu d'apprentissage, Thomas Lilti réussit dans un savant mélange de drôlerie et de gravité, avec un casting de rêve, un portrait juste de ce "métier sérieux", souvent méprisé ou montré au cinéma de manière caricaturale. Un bel hommage.

La Fiche

Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : thomas Lilti
Acteurs : Vincent Lacoste, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos
Pays : France
Durée : 1h 41min
Sortie : 13 septembre 2023
Distributeur : Le Pacte

Synopsis : C’est la rentrée. Une nouvelle année scolaire au collège qui voit se retrouver Pierre, Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane, un groupe d’enseignants engagés et soudés. Ils sont rejoints par Benjamin, jeune professeur remplaçant sans expérience et rapidement confronté aux affres du métier. À leur contact, il va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée.