"Un peuple et son roi" : une vision distanciée et équilibrée de la Révolution
Reconstitution
La Révolution française a été souvent revisitée par le cinéma ("La Marseillaise" – Jean Renoir, 1938, "Danton" – Andrzej Wajda, 1983, "La Révolution française" – Robert Enrico, 1989…). Pierre Schoeller se concentre sur la période 14 juillet 1789 (prise de la Bastille) – 21 janvier 1993 (exécution de Louis XVI). Période clé, où se jouent tous les enjeux, les idéaux, les contradictions, les excès, les joutes oratoires, les menaces extérieures, les origines de la République…Une telle part d’Histoire française devenue internationale pose de plain-pied la question de la reconstitution historique. Schoeller s’en tire plutôt bien, mais reste dans une convention française qui fait défaut, comme récemment dans "Mademoiselle de Joncquières" (qui précède tout juste la Révolution), à savoir une lumière un peu plate qui manque d’atmosphère, même s’il y a plus d’efforts. Il se rattrape dans un casting bien vu avec la fine fleur d’acteurs bien en place : Gaspard Ulliel, Adèle Haenel, Olivier Gourmet, Louis Garrel, Izïa Higelin, Noémie Lvovsky, Céline Sallette, Laurent Lafitte et un Denis Lavant qui compose un Marat dément, un de ses meilleurs rôles.
La tribune et le peuple
Si Pierre Schoeller s’attache à reconstituer des étapes spectaculaires de la Révolution – la prise de la Bastille, la montée des femmes sur Versailles, le massacre du 10 août…-, le film s’attarde beaucoup sur les joutes oratoires de l’Assemblée nationale naissante. Le film fait défiler à la tribune les ténors Robespierre (formidable Louis Garrel tout en froideur), Danton (Vincent Deniard), Saint-Just (Niels Scheiner). Mais pas seulement, comme lors de cette belle scène où se succèdent des députés plus anonymes à la tribune pour voter la mort du roi.Et le peuple ? Il est guidé par des femmes. Adèle Haenel ("Les Combattants") campe une parfaite "tricoteuse", meneuse des sans-culotte au côté d’Izïa Higelin, Noémie Lvovsky et Céline Sallette. Laurent Lafitte est tout en sobriété en Louis XVI et la très belle et encore rare (mais sans doute pas pour longtemps) Maëlia Gentil incarne une troublante Marie-Antoinette. Mais c’est encore Olivier Gourmet qui remporte la palme.
Le soleil de la Révolution
Son rôle de verrier s’avère une métaphore du sens de l'Histoire défendue par le peuple. Comme transformateur d’une matière brute - le sable - en la plus pure - le verre -, par le feu, image du soleil de la Révolution, il incarne le vecteur entre le conservatisme et l’idéal. Toutes les scènes de verrerie sont des merveilles. Mais il ne faut pas oublier Gaspard Ulliel (Basile), paysan persécuté qui va se sublimer dans sa soif de liberté. L’on aurait aimé voir toutefois d’autres femmes dans cette reconstitution : Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt ou Madame Roland. A quand le film qui les réhabilitera ?L’œuvre ultime sur la Révolution demeure "Danton" d’Andrzej Wajda, dans sa confrontation entre Robespierre et Danton, où tous les enjeux de l’époque se joue en pleine Terreur. D'ailleurs là où finit "Un peuple et son roi", commence "Danton". Mais le film de Pierre Schoeller tient son rôle dans le décryptage équilibré de cette époque en en évoquant toute la complexité, mais aussi dans de beaux efforts de mise en scène.
LA FICHE
Réalisateur : Pierre Schoeller
Pays : France
Avec : Gaspard Ulliel, Adèle Haenel, Olivier Gourmet, Louis Garrel, Izïa Higelin, Noémie Lvovsky, Céline Sallette, Laurent Lafitte, Denis Lavant,
Durée : 1h43
Synopsis : 14 juillet 1789, le peuple parisien entre en révolution en prenant la Bastille. Les destins d’hommes et de femmes du peuple croisent des figures historiques. Leur lieu de rencontre est la toute jeune Assemblée nationale. Au coeur de l’Histoire, le sort du Roi et l'avènement de la République se jouent jusqu'au 21 juillet 1793…
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