"Voyage au bout de l'enfer" avec De Niro en version restaurée : magistral
De Michael Cimino (Etat-Unis/Grande-Bretagne), avec : Robert De Niro, Meryl Streep, Christopher Walken, John Savage, John Cazale - 3h03 - Reprise 23 octobre 2013 (sortie originelle en 1979)
Interdit aux moins de 16 ans
Synopsis : 1968. Mike, Steven, Nick, Stan et Axel travaillent dans l’aciérie du bourg de Clairton, Pennsylvanie, et forment une bande très liée. À Clairton, les histoires de coeur vont bon train : Steven épouse Angela, bien qu’elle soit enceinte d’un autre, et Nick flirte avec Linda qui semble troubler Mike. Mais cette tranquilité est rattrapée par la guerre du Vietnam lorsque Mike, Steven et Nick sont mobilisés pour partir au combat…
Quand il réalise « Voyage au bout de l’Enfer », Michael Cimino, n’a qu’un film à son actif, « Le Canardeur » (1974), un polar bien troussé plein d’humour, avec Clint Eastwood et Jeff Bridges. Avec ce deuxième film, il passe dans une autre cour que le film de genre. « Voyage au bout de l’enfer » a en effet une autre ambition, celle de mêler l’intime à l’Histoire, ce qui restera l’image de marque du réalisateur dans ses deux autres plus grands titres : « La Porte du paradis » (1980) et « L’année du dragon » (1985).
Les morceaux d’anthologie s’enquillent les uns derrière les autres : la scène d’ouverture dans l’aciérie, la sortie d’usine autour d’une partie de billard, la cérémonie de mariage orthodoxe, la fête qui s’en suit, la scène de chasse, le montage cut entre une pièce pour piano de Chopin dans un bar et les pales d'un hélicoptère au Vietnam, les retrouvailles dans une prison Viêt-Cong, la torture à la roulette russe, le retour en Pennsylvanie et les retrouvailles de Michael (Robert de Niro) avec Linda (Mery Streep), la recherche de Nick (Christopher Walken) par Michael à Saïgon… Tout est bouleversant dans ce film unique qui n’a pas pris une ride depuis 1979.
Réalisme saturé de poésie
Si « Voyage au bout de l’enfer » se déroule en partie au Vietnam durant le conflit avec les Etats-Unis, ce n’est pas une production sur le Vietnam. C’est un film sur une communauté bouleversée par une guerre, certes, mais avant tout un film de famille. Une famille d’amis, tous très disparates et très proches, issus d’une bourgade industrielle de Pennsylvanie, soudée, puis dispersée qui ne cherche qu’à se retrouver après une succession de traumatismes due à la guerre. Une émotion unique émane de « Voyage au bout de l’enfer », titre approximatif par rapport à sa version originale « Deer Hunter » (chasseur de daim) qui colle beaucoup mieux pour sa traduction profonde du film.
Michael Cimino fait preuve d’une maestria de la mise en scène de tous les instants. Il colle à une véracité, à un réalisme saturé de poésie, dans sa manière de filmer, et issu de ce qu’il obtient de ses comédiens - De Niro, Meryl Streep, Christopher Walken, John Savage, John Cazale, et l’ultra craquant George Dundza dans un second rôle d’une sensibilité sans borne - tous à l’aube de carrières remarquables. Sauf Cazale (Fredo Corleone dans « Le Parrain » de Coppola), décédé peu après le tournage, qui se savait condamné et qui fait preuve d’un talent et d’un courage exceptionnel dans un rôle difficile, ironisant même sur sa mort prochaine devant la caméra.
Rares sont les films qui atteignent ce niveau d’intensité narrative, visuelle et émotionnelle. Cimino transformera l’essai dans « La Porte du paradis » en 1980 qui ressort en DVD prochainement. Ce metteur en scène génial, qui se réclame de Ford, Lean et Kubrick sera malheureusement sacrifié par Hollywood, comme si l’usine à rêve ne pouvait supporter un tel talent. Michael Cimino n’aura réalisé que neuf films en 33 ans de carrière, de 1974 à 2007, avec des hauts et des bas certes, mais des sommets difficiles à atteindre, dont ce chef-d’œuvre qu’est « Voyage au bout de l’enfer » à voir et revoir sans modération.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.